Les Provinces engagées pour leurs territoires

Le 13 octobre dernier, à Wierde, l’Association des Provinces wallonnes présentait son mémorandum en vue des élections de 2024. Voici un résumé des débats qui s’y sont tenus.

Tanguy Stuckens, Président

« Le Mémorandum de l’APW traduit un engagement qui se concrétise par un travail quotidien de nos institutions en faveur des missions de service public et donc en faveur de nos citoyens. Il y a matière à mieux se parler entre institutions, à mieux s’écouter, se respecter, se coordonner, raison pour laquelle nous appelons de nos vœux la tenue d’assises territoriales.

Il est également fondamental, pour les Provinces, de demeurer aux côtés de nos Communes. C’est un devoir qui nous incombe, c’est un engagement que nous prenons.

Les Provinces sont, par nature, une institution de premier degré et démocratique. Cette marque de naissance implique un devoir de transparence et de probité. Nous rendons des comptes, au quotidien, non seulement à notre instance de tutelle, la Région wallonne, à la Cour des comptes, mais également aux citoyens, à la presse, aux élus de la majorité ou de la minorité.

Le rapport direct et de premier degré avec les citoyens, notre expertise et notre connaissance du territoire, notre ouverture aux partenariats avec l’ensemble des autres niveaux de pouvoir, notre engagement fort dans nos domaines de compétences, sans oublier les missions de sécurité civile des Gouverneurs, sont ce que l’on retient de notre action. »

Christophe Collignon, Ministre Pouvoirs locaux

L’ensemble des institutions sont à un tournant : il existe un besoin de plus de lisibilité et d’une simplification administrative. Les Provinces, grâce à leur ingénierie, ont un rôle important à jouer.

En parallèle de la réforme de la fonction publique locale (qui aboutira d’ici la fin de la législature), deux dossiers particuliers sont à épingler :

  • la reprise de la part communale dans le financement des zones de secours : le Ministre est conscient des efforts consentis par les Provinces sur base volontaire et leur en est reconnaissant. Les Provinces se sont saisies de cette compétence essentielle aux citoyens. Ce dossier est épineux dans la mesure où il engendre des points de tension financiers et dans la gestion des zones. Au niveau de l’organisation, le découpage territorial des zones pourrait être utilement repensé. En termes de financement, il est clair que le Fédéral ne tient pas ses engagements (80/20). La piste des assurances (notamment au niveau des zones Seveso) est à approfondir pour l’avenir ;
  • la supracommunalité : apporte une réponse au principe constitutionnel de subsidiarité. Il s’agit d’écouter les besoins du terrain, de s’organiser pour rendre un meilleur service.

TABLE RONDE 1 : LES ZONES DE SECOURS

La sécurité – une fonction régalienne : tout d’abord, au-delà de l’enjeu fondamental de la formation, le fait que la Province soit associée à une fonction régalienne liée à la sécurité correspond à l’histoire institutionnelle de notre pays.

Responsabilité du Fédéral : les Provinces se sont engagées pour respecter la DPR et ainsi soulager les finances communales. Il faut, cependant, pointer l’effet de vase communicant : ce qui est investi dans les zones de secours ne peut être apporté à d’autres secteurs, d’où l’importance de continuer à maintenir une pression vers le Fédéral, avec le soutien de la Région et des Communes, pour qu’il assume son rôle en la matière. D’autant que de sérieux doutes sont émis quant au fait que l’on pourrait arriver au fameux 50/50.

Droit de vote : à travers plusieurs exemples, il est démontré que les zones de secours accueillent les Provinces au sein de leurs instances à géométrie variable (droit de vote au Conseil et Collège/simple observateur). Au vu des montants engagés, il est primordial que les Provinces puissent participer, de manière active, aux prises de décisions. Cela est accepté et encouragé par le terrain (Président de Zone et Commandant). Cependant, un équilibre doit être trouvé avec les compétences du Bourgmestre, qui porte la responsabilité civile et pénale, à titre personnel, en cette matière. Certes, les Provinces sont volontaires pour soutenir financièrement les zones de secours mais une réflexion est à mener sur une meilleure manière, pour chaque maillon de la chaîne, de travailler ensemble. Des collaborations administratives et une gouvernance partagée doivent être envisagées par les acteurs de la sécurité civile.

Travailler sur la prévisibilité et la prévention : à ce jour, il y a un grand besoin d’avoir une vision claire sur l’organisation, la gouvernance et le financement des zones de secours. Le fait de travailler sur base d’une circulaire, sans décret qui organise, porte atteinte au légitime besoin de prévisibilité. La volonté commune est de mettre en place une meilleure organisation de la matière. Il est essentiel de travailler davantage sur la prévention, la culture du risque. Les zones de secours ont donc besoin de clarification et de prévisibilité. Il faut travailler à la définition d’un cadre clair en termes de gouvernance, de fonctionnement et de financement des zones de secours. Il faut pouvoir mutualiser les ressources entre administrations et apporter une gouvernance partagée pour rendre le fonctionnement des zones de secours plus efficient.

Volontariat et maîtrise des coûts : une feuille de route claire doit être mise en œuvre pour maîtriser les coûts car les charges du personnel pompier et les diverses indexations compliquent la participation provinciale dans la gestion des zones. Les coûts des zones de secours sont directement impactés par les ressources humaines. Un meilleur équilibre entre les pompiers professionnels et volontaires est à trouver (Wallonie : 50 % de volontaires/50 % de professionnels – Flandre : 2/3 de volontaires/1/3 de professionnels). Le volontariat permet de diminuer les coûts en termes de RH et a déjà fait ses preuves (faire confiance) mais la professionnalisation est la certitude d’avoir une équipe prête à intervenir à tout moment en tout lieu… En ce sens, la question du volontariat est également philosophique : quelle est la volonté du citoyen wallon ?

Se saisir d’une compétence essentielle : la reprise de la part communale dans le financement des ZS permet aux Provinces de s’investir dans une compétence essentielle au citoyen. Certes, la collaboration s’est faite sur base volontaire (en dépit des freins juridiques qui ont été identifiés) mais avec les conséquences sur le fonds des Provinces en arrière-plan.

TABLE RONDE 2 : LA SUPRACOMMUNALITÉ

Définition : une définition claire de la supracommunalité est toujours inexistante. S’il s’agit d’une alliance entre plusieurs organismes pour mener des projets, il est important de ne pas multiplier les structures.

Territorialité : la supracommunalité doit se placer dans le débat de la territorialité. Avant toute autre chose, c’est le territoire qui détermine la supracommunalité dans la mesure où c’est du territoire qu’émanent les besoins auxquels répondre. Les besoins sont encore plus criants au sein des petites Communes, souvent démunies (notamment en termes de personnel).

Désorganisation : il est constaté que de nombreux « bidules » se sont constitués au fil du temps (sans le même niveau de légitimité démocratique). Il y a tellement d’éléments qui se sont superposés qu’on en perd en lisibilité (sentiment de désordre). Il y a un besoin de simplification bien que la simplicité ne soit pas la réponse à tout (c’est le propre d’une société démocratique). L’organisation de la supracommunalité doit se faire par le biais de structures lisibles pour le citoyen. Il faut rappeler que les Provinces sont des organes démocratiques dotés d’un pouvoir fiscal.

Taille critique : certains estiment que l’organisation de la supracommunalité est plus facile et plus fluide dans les trois Provinces de plus petites tailles (Brabant wallon, Luxembourg et Namur). Toutefois, plusieurs exemples démontrent que les services provinciaux y travaillent activement aussi au sein des Provinces de Hainaut et de Liège (tour des Communes, aides aux Communes en : RH, sanctions administratives, inondations…).

Provinces = pivots : la supracommunalité est un processus qui doit dépasser les métiers, ce qui place les Provinces comme pivots majeurs. En tout état de cause, les Provinces sont le bon niveau de pouvoir pour coordonner les actions d’autant qu’elles ont les équipes (spécialisation), les ressources, la pluridisciplinarité et l’expérience pour répondre aux besoins spécifiques des Communes.

Assises territoriales : les assises territoriales permettront de mieux définir les rôles de chacun et ainsi d’organiser la supracommunalité de manière plus efficace et collaborative.

Concernant la fusion volontaire des Communes, on y croit peu, en tout cas, pas tout de suite. Il semble nécessaire de d’abord mutualiser.

TABLE RONDE 3 : LE JUSTE TERRITOIRE

Lisibilité : nécessité d’une réforme des institutions du paysage institutionnel wallon en général (pas uniquement des Provinces mais aussi des intercommunales et de toutes les structures « paralocales ») en vue d’assurer une meilleure visibilité des acteurs publics du territoire dans le cadre de la démultiplication des structures que nous connaissons. En dépit de ce qu’annonçait la DPR en début de législature, nous sommes orphelins du débat institutionnel wallon.

Complémentarité et non concurrence : dans cette réflexion, la complémentarité est à mettre en avant. Il s’agit de déterminer quelle est l’échelle la plus efficiente pour l’exercice d’une mission de service public, et donc de redistribuer les compétences vers le niveau le plus pertinent. Il est fondamental de travailler dans une logique de non-redondance et de non concurrence : la Province a la capacité de répondre rapidement à des besoins prioritaires, d’apporter des dynamiques territoriales et de fédérer les savoir-faire.

Visibilité : la visibilité de ces atouts est trop faible aujourd’hui. L’action provinciale reste trop méconnue des citoyens et des médias. Cependant, on peut remarquer que les crises successives ont remis les Provinces en lumière ainsi que leur capacité à réagir rapidement et efficacement face à des situations difficiles.

Juridique : relation d’ami/ennemi entre la Constitution et les Provinces. Bien que le niveau provincial soit le seul niveau de pouvoir dont la Constitution établit les règles de suppression, de multiples références sont faites aux Provinces au sein de celle-ci. La légitimité démocratique, l’autonomie et le pouvoir fiscal des Provinces y sont consacrés. Il faudra rester attentif aux discussions en lien avec une 7ème réforme de l’état d’autant que la Flandre a déjà pris position sur le sujet (création de « regios » qui n’ont pas pour autant simplifié le paysage institutionnel).

CONCLUSION

Pour conclure, ce colloque doit permettre d’amorcer le débat sur les relations entre institutions, les réformes à envisager, les ponts à construire en vue de proposer le meilleur service public possible.
 
L’objectif étant, au travers de l’organisation des assises territoriales, de façonner l’avenir du paysage institutionnel wallon dans un respect mutuel des prérogatives, de l’autonomie et des moyens d’actions de chacun.

Retrouvez le sujet en vidéo ici et le mémorandum dans son intégralité ci-dessous :