Du 8 au 10 novembre dernier, l’Assemblée des Départements de France organisait son 92ème congrès à Strasbourg.
Ces assises nationales des Départements de France étaient l’occasion de faire entendre la voix des territoires : les Départements sont l’échelon de la proximité, de la solidarité à tous les âges de la vie, de l’accompagnement des personnes fragiles, de la réussite des collégiens, de la gestion des routes ou encore de la transition écologique et énergétique.
En effet, le Département dispose d’une force territoriale considérable permettant de réponde aux crises successives et repose sur une gestion financière vertueuse.
Les débats se tenaient dans un contexte particulier puisque le Président de la République s’est récemment déclaré en faveur d’une nouvelle étape de la décentralisation. Les présidents des conseils départementaux ont donc affiché leur opposition à la volonté du chef de l’Etat de remettre en cause l’actuel « millefeuille territorial ». Une formule qui, généralement, fait du département l’échelon à supprimer.
Ainsi, le principe de libre administration des autorités locales doit être garanti. L’Etat ne peut faire de l’ingérence dans les compétences dévolues aux Départements et les relations doivent être basées sur un respect réciproque. Il faut donc rétablir un pacte de confiance permettant de libérer les énergies locales.
La thématique principale de ce congrès était, évidemment, liée à l’actualité et donc à la notion de Décentralisation. Les acteurs locaux et représentants du monde académique observent un recul de cette décentralisation ; il est indispensable de revoir le modèle. En effet, les Départements sont à l’asphyxie, le couple Communes/Départements doit être renforcé et la pratique de l’Etat, avec son pouvoir d’injonction, doit être réinterrogée.
Selon l’Etude « 40 ans de décentralisation » menée par le Professeur Duranthon, le modèle actuel repose sur une complexité intentionnelle qui a éloigné le citoyen de la chose publique. L’Etat a fait du principe de décentralisation un outil d’aménagement du territoire au profit de l’économie, dans une logique privilégiant l’approche technique à l’amélioration des politiques publiques.
Le Département devenant, alors, une agence de l’Etat alors que le citoyen se transforme en simple usager. Or, l’attachement du citoyen à l’échelon départemental, qui crée le tissu démocratique, est réel, contrairement aux grandes Régions et intercommunalités qui ne sont pas incarnées.
Rappelons que les réformes de décentralisation de 2015 et 2017 ont été principalement technocratiques, artificielles et imposées : grandes Régions XXL, fusions d’intercommunales et grands cantons. Ces réformes s’avèrent, au final, coûteuses écologiquement, financièrement et démocratiquement car elles éloignent les décisions du citoyen. Elles n’ont donc pas fait la démonstration de leur pertinence et ne suscitent toujours pas l’adhésion de la population.
Les Départements français demandent donc davantage de reconnaissance de l’Etat, des ressources dynamiques et adaptées ainsi que trois droits fondamentaux pour l’exercice de leurs missions : le droit à agir, les moyens d’agir et la maîtrise des moyens.
Le Président du Sénat s’est également exprimé sur ce système qui semble à bout de souffle. Il est indispensable, selon lui, que l’Etat simplifie les normes et les contrôles. Les Départements sont les garants d’un lien équilibré entre territoires urbains et ruraux, soutiennent les Communes, disposent d’une ingénierie technique et juridique et s’imposent donc comme un filet de protection pour les plus précarisés.
La Première Ministre Élisabeth Borne a clôturé le congrès. Elle a insisté sur le fait que le Département, qui gère un pan important de la politique sociale, est « un échelon indispensable pour l’action publique locale ».
En assurant que la décentralisation est une force pour le pays et que l’Etat est prêt à l’accentuer, la Première Ministre place les Départements aux avant-postes pour répondre aux défis de demain. Pour ce faire, elle reconnaît et met en évidence leur connaissance aigue de leur territoire ainsi que leur capacité à innover et expérimenter, que l’Etat doit encourager.
La Première Ministre a également promis un soutien budgétaire aux conseils départementaux dont les finances sont prises en tenaille entre des recettes en baisse et des charges en augmentation. Mais les élus concernés ne sont pas totalement satisfaits : ils réclament davantage d’autonomie.
Pour aller plus loin…
L’étude du Professeur Arnaud Duranthon : 40 ans de décentralisation : l’étude du Professeur Arnaud Duranthon – Départements de France – AF (departements.fr)