Question orale de M. Hazée à Mme De Bue, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives, sur « La mise en œuvre de la parité au sein des Collèges communaux et provinciaux »
le Président. – L’ordre du jour appelle la question orale de M. Hazée à Mme De Bue, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives, sur « la mise en œuvre de la parité au sein des collèges communaux et provinciaux ».
La parole est à M. Hazée pour poser sa question.
Hazée (Ecolo). – Madame la Ministre, le Code de la démocratie locale et de la décentralisation a été revu il y a quelques mois afin de prévoir la présence d’au moins un tiers de personnes de chaque sexe au sein du collège communal et du collège provincial.
C’est un combat que nous avons pu partager ensemble, nous nous rappelons d’ailleurs vos convictions fortes sur le sujet et la contribution que cela a évidemment eu sur l’évolution de la législation.
Rappelons ainsi que pour les communes, l’article 1123-1, § 2, alinéas 3 à 5, dispose ainsi que le projet de pacte « présente un tiers minimum de membres du même sexe, étant entendu que tout nombre décimal est porté à l’unité supérieure lorsque la décimale est supérieure à 5.
Il peut être dérogé à l’alinéa 3 dans le cas où les groupes politiques liés par le projet de pacte de majorité ne comprennent pas de membres d’un des sexes en nombre suffisant, et au maximum à concurrence du nombre de membres du sexe concerné manquants, sans préjudice de l’application de l’article L 1123-8, § 2.
Cette disposition prend effet, bien sûr, à l’occasion du renouvellement des conseils et collèges, c’est-à-dire hier soir.
Madame la Ministre, de manière générale, êtes-vous informée de la bonne application de cette législation et donc en particulier de cette disposition ? Il est bien sûr sans doute un peu tôt pour en évaluer l’ensemble des effets, mais peut-être avez-vous déjà une vue impressionniste d’éventuelles difficultés ou, à l’inverse, d’une application la plus optimale qui soit.
De façon plus particulière, mon attention a été attirée par la situation de la Commune de Crisnée puisque le bourgmestre y a annoncé la volonté d’installer un collège communal composé de quatre hommes et une femme, alors que le groupe politique qui forme le pacte de majorité compte en son sein plusieurs conseillères communales. La situation devient plus incompréhensible encore puisque nous sommes clairement devant une infraction par rapport à la règle adoptée qu’il dit s’être assuré de la régularité de la situation auprès de vous. Soyons clairs, j’ai du mal à le croire.
Cette information, qui avait été portée à ma connaissance il y a quelques jours au moment du dépôt des questions, s’est confirmée hier soir puisque les choses se sont passées comme le bourgmestre les avait annoncées, avec dès lors l’installation d’un collège comportant quatre hommes et une femme, et le maintien « sur le banc de touche », si je puis dire, en tout cas au sein du conseil communal, de plusieurs conseillères au sein de ce groupe.
Sans entrer dans le poto-poto communal, ce n’est pas le propos ici, êtes-vous informée de cette situation ? Le cas échéant, avez-vous demandé à la Commune de Crisnée de déposer un autre pacte de majorité, de telle sorte qu’il puisse respecter le prescrit du code et que le collège soit régulièrement constitué ?
Pouvez-vous, dans l’attente, rappeler les risques juridiques qui découlent d’une telle illégalité ?
Pour le surplus, êtes-vous informée dès ce stade d’autres situations qui s’avèreraient problématiques dans d’autres communes ?
le Président. – La parole est à Mme la Ministre De Bue.
Mme De Bue, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives. – Monsieur le Député, le décret du 7 septembre 2017 visant à garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein des collèges communaux et provinciaux de Wallonie instaure une proportion de deux tiers-un tiers. Il s’agit là d’un principe, d’un objectif qu’il convient d’atteindre. Toutefois, les auteurs de la disposition avaient prévu, dès le départ, qu’une dérogation était possible dans l’hypothèse où la composition du conseil communal ne permet pas, d’elle-même, une présence équilibrée de chacun de deux sexes.
Il convient donc de rappeler un certain nombre de principes qui figurent dans ma circulaire du 23 octobre relative à la validation et à l’installation des conseillers communaux et du collège communal, à l’exception des communes de la communauté germanophone – Élections communales du 14 octobre 2018. Il y a trois cas :
– soit la composition des groupes au sein du pacte de majorité permet d’atteindre l’objectif du décret ;
– soit les groupes politiques liés par le projet de pacte de majorité ne comprennent aucun membre d’un des deux sexes et, dans ce cas, il continuera à être fait recours à la désignation d’un, et un seul, échevin hors conseil ;
– soit les groupes politiques liés par le projet de pacte de majorité ne comprennent pas de membres d’un des sexes en nombre suffisant pour arriver au tiers. Dans ce cas, l’article L1123-3, alinéa 4, du CDLD prévoit qu’il peut être dérogé à la règle au maximum à concurrence du nombre de membres du sexe concerné manquants.
Dans ces deux derniers cas, pour rapprocher au maximum la composition du collège de l’objectif du décret, la désignation d’un membre du sexe le moins représenté à la présidence du CPAS est encouragée.
Quelle que soit l’hypothèse visée, il convient de motiver adéquatement la décision de constitution du pacte de majorité au regard du décret du 7 septembre 2017. Ces précisions sont apportées dans une annexe au pacte et reprises dans la délibération d’installation du collège.
Vous m’interrogez sur une impression générale, une vue impressionniste, comme vous l’avez signalé. Il y a effectivement eu quelques courriels et courriers à ce sujet des communes peut-être plus réticentes. Nous avons d’ailleurs participé, Mme Ryckmans et moimême, à un débat à ce sujet. Globalement, je constate que la majorité des communes a véritablement intégré ce décret et a d’emblée proposé des compositions de collège qui le respectent. Dans certains cas, ce sont les zones qui ont eu fait les frais, mais ce sont des cas très marginaux. Là aussi, c’est une constatation tout à fait personnelle : quand des femmes occupent déjà certaines responsabilités comme des bourgmestres ou un certain nombre d’échevines déjà en place, c’est beaucoup plus simple d’arriver à l’équilibre du décret. En tout état de cause, comme je l’ai déjà annoncé, il y aura une analyse des pactes de majorité et une évaluation globale du décret qui devra être menée pour en améliorer les dispositions.
En ce qui concerne la situation particulière de Crisnée, je vous rappelle, comme j’ai eu l’occasion de le dire précédemment, que l’on ne peut obliger des conseillers à siéger au collège. Un tel refus est, en effet, légitime et légalement admissible. De la même manière, vu que vous parlez « d’accord interne », on ne peut pas obliger quelqu’un à refuser un échevinat. Ainsi, tout conseiller, quel que soit son genre et quel que soit son score électoral, peut décider librement d’accepter ou de refuser un poste d’échevin.
Bien que la règle deux tiers-un tiers ne soit pas strictement respectée, le pacte de majorité de Crisnée, comme je viens de l’indiquer, s’il apporte les précisions adéquates et motivées quant à sa composition, est recevable. Vous semblez focaliser l’attention sur cette commune. D’autres se situent dans cette même situation et, comme je l’indiquais en début de réponse, cela a été prévu explicitement par les auteurs de la proposition de décret et confirmé lors des travaux parlementaires.
Finalement, je vous confirme que le président de CPAS est bien compris dans le calcul des deux tiers-un tiers.
le Président. – La parole est à M. Hazée.
Hazée (Ecolo). – Je vous remercie, Madame la Ministre, pour votre réponse. Je me réjouis avec vous de ce que le décret ait été globalement bien appliqué. Nous en avons vu les effets à une série d’endroits et je m’en réjouis tout particulièrement.
J’ai pris bonne note de vos rappels législatifs et je peux suivre votre propos jusque-là.
Enfin, je suis extrêmement surpris par la lecture que vous amenez à l’égard de la situation de la Commune de Crisnée. Je crains d’ailleurs que, si cette lecture devait être davantage soutenue, elle conduise à un détricotage de la législation telle qu’elle a été adoptée, puisqu’elle ouvre la porte à un maintien en l’état de la situation antérieure. J’en reste extrêmement perplexe et inquiet.