Avant-projet de décret relatif à la future gouvernance culturelle

4.11 Question de M. Olivier Maroy à Mme Alda Greoli, vice-présidente du gouvernement et ministre de la Culture et de l’Enfance, intitulée «Avant-projet de décret relatif à la future gouvernance culturelle»

4.12 Question de M. Pascal Baurain à Mme Alda Greoli, vice-présidente du gouvernement et ministre de la Culture et de l’Enfance, intitulée «Passage en première lecture de la réforme des instances d’avis»

4.13 Question de M. Christos Doulkeridis à Mme Alda Greoli, vice-présidente du  gouvernement et ministre de la Culture et de l’Enfance, intitulée «Bilan des conseils d’avis du secteur des arts de la scène»

le président. – Je vous propose de joindre ces trois questions orales. (Assentiment)

Olivier Maroy (MR). – Madame la Ministre, l’avant-projet de décret sur la gouvernance de la culture est enfin passé en première lecture au gouvernement. Cette importante réforme était attendue depuis le début de la législature.

J’aimerais vous interroger sur ses contours. Je ne reviendrai pas sur les retards pour me concentrer plutôt sur ce texte qui est la première étape d’un long parcours. Parmi les objectifs annoncés, citons l’amélioration de l’efficience des instances d’avis, le renforcement de l’expertise de ses membres, la réduction de la lourdeur administrative, l’évolution vers un système plus dynamique, la maîtrise des  coûts, la prévention des conflits d’intérêts et d’une certaine «politisation» de la culture.

Concrètement, la réforme prévoit une nouvelle architecture basée sur trois niveaux: un conseil supérieur de la Culture, des commissions transversales d’avis et une chambre de recours.

Comment fonctionneront ces trois niveaux? Quel sera leur rôle respectif? Avec 35 membres pour le conseil supérieur de la Culture, plus huit fois 25 membres pour les commissions transversales et cinq membres pour la chambre de recours, cela fait 240 personnes. Comparé aux 497 personnes actuelles, c’est un bel effort de réduction, mais cela ne reste-t-il pas beaucoup? Je pose simplement la question, mais je peux me tromper. Selon quels critères avez-vous déterminé le nombre de membres de ces différentes instances? Pourquoi 35 ici et 25 là? Comment ces personnes seront-elles choisies? C’est une question très importante. J’ai lu qu’un appel public à candidatures serait lancé. Si j’ai bien compris, l’administration collectera toutes ces candidatures, qui va, j’imagine, vérifier leur conformité aux critères de l’appel à candidatures et vous soumettra des recommandations.

Mais au final, si j’ai bien compris, c’est vous qui trancherez. Il n’y aura donc pas de jury indépendant chargé de faire le tri et d’évaluer les candidatures.

Je m’interroge sur le superpouvoir que vous aurez en tant que ministre, ou plutôt qu’aura le futur ministre. Ma perception se fonde sur ce que j’en ai lu à gauche et à droite, je ne suis pas dans le Saint des Saints, mais j’aimerais être rassuré sur le rôle du ou de la ministre.

J’en arrive au coût. Un des objectifs est de réduire le coût de ce qui ressemble furieusement, je ne dirais pas à une usine à gaz, mais à un système très compliqué et pléthorique. Quelles seront les rémunérations des membres du conseil supérieur de la Culture, des membres des commissions transversales et enfin des membres de la chambre de recours? Ces rémunérations seront-elles supérieures ou inférieures à celles du système actuel, individuellement et globalement? J’imagine que, globalement, ce sera moins puisqu’il y aura nettement moins de membres. Pouvez-vous comparer le coût global annuel du système actuel avec le coût futur en cas d’adoption de votre avant-projet de décret?

Quelles dispositions vous permettent-elles de vous assurer que les décisions seront prises sans conflit d’intérêts ou risque de copinage? C’est un des points que vous soulignez dans les différentes interviews que vous avez données. Je me réjouis d’ailleurs que la presse ait enfin donné un petit peu d’espace à un domaine qui n’est pas suffisamment médiatisé. Les médias ne parlent malheureusement pas assez souvent des choses importantes qui se passent en culture. Ici, plusieurs grands d’entre eux se sont fait l’écho de cette réforme. Vous mettez l’accent sur le fait qu’elle va diminuer les risques de conflit d’intérêts et de copinage. J’aimerais que vous m’en fassiez la démonstration. J’ai compris qu’on interdirait certains cumuls, ce qui pourrait d’ailleurs poser question. Par exemple, il est interdit à un bourgmestre ou un échevin de siéger dans un centre culturel. Cela ne risque-t-il pas d’entraîner quelques soucis, même si je comprends bien l’objectif? Bref, pouvez-vous faire le point sur cette question de la lutte contre le copinage politique pour laquelle nous vous soutenons?

J’ai suffisamment dénoncé ce qui s’était passé durant les dix années précédentes pour ne pas vous soutenir aujourd’hui dans votre démarche contre l’asservissement de la culture à une certaine tendance politique. Tout le monde aura compris de qui je voulais parler…

Pascal Baurain (cdH). – La réforme des instances d’avis est écrite noir sur blanc à plusieurs endroits. Tout d’abord dans la déclaration de politique communautaire, mais aussi et surtout, elle transparait dans les conclusions de «Bouger les lignes» qui émanent, elles, des opérateurs culturels eux-mêmes. Il faut avant tout convenir d’une chose, le financement des opérateurs ne peut être laissé à la seule appréciation d’un exécutif politique. C’est la raison pour laquelle ces instances avaient été constituées. Malheureusement, elles ont essuyé plusieurs critiques les amenant à la nécessité d’être réformées. Parmi elles, nous pouvons citer un manque d’objectivité. En effet, alors que nous cherchons à éloigner les décisions de toute tentative partisane, des conflits d’intérêts où certains étaient juges et parties ont été dénoncés.

Nous pouvons également déplorer une lourdeur administrative. Il est vrai que la gestion d’une quarantaine d’instances a un coût, demande une organisation et ralentit la prise de décision.

Madame la Ministre, vous avez annoncé des avancées dans ce dossier qui suscitent des questions de notre part. Quel est le statut de votre avant-projet, autrement dit, le futur avis des instances pourra-t-il être pris en compte? Les principes de la réforme respectent-ils bien les demandes figurant dans les conclusions de «Bouger les lignes»? S’appuient-ils sur des systèmes similaires dont l’efficacité aurait été éprouvée à l’étranger? Une représentativité des tendances idéologiques et philosophiques, telle que le préconise le Pacte culturel, sera-t-elle conservée? Y a-til eu une analyse de l’impact financier positif que cette réforme pourrait entraîner? Je pense notamment aux défraiements démultipliés par l’ensemble des représentants qui siègent actuellement dans la quarantaine d’instances consultatives.

Quel est le calendrier que vous avez fixé la mise en œuvre de ce projet?

Christos Doulkeridis (Ecolo). – Je rejoins l’essentiel des questions de mes collègues, avec une nuance. Pour mon groupe et moi, le nombre n’est pas la question la plus importante.

Bien entendu, s’il y a pléthore inutile de membres, il convient de les diminuer. Pour répondre aux attentes des acteurs et améliorer nos politiques, nous devons surtout tenir compte de la compétence des membres, de l’équité et de l’indépendance des avis. Le nombre de membres doit permettre d’atteindre ces trois objectifs. Je devrais plutôt parler «des» compétences dans la mesure où plusieurs disciplines sont rencontrées.

Il y a un nombre important d’acteurs différents, car une personne ne peut être compétente dans tous les domaines. L’équilibre réside dans cette dimension. Madame la Ministre, quel est le nouveau calendrier? À quelle date les instances d’avis doivent-elles se positionner sur votre avant-projet de décret? Avez-vous déjà reçu des avis de certaines instances? Comment les accueillerez-vous et les intégrez-vous à votre texte? Étiez-vous présente, le 4 juin, pour les bilans des conseils d’avis? Qu’en avez-vous retenu? Quels sont les éléments retenus pour votre prochaine réforme des instances d’avis?

Mme Alda Greoli, vice-présidente du gouvernement et ministre de la Culture et de l’Enfance. – Depuis 2014, la consultation en prospective du secteur culturel, autrement dénommée «Bouger les lignes», a rappelé que: «le rôle du politique est d’être modeste. Il est de défendre l’objectivité des décisions même si la culture appelle, par définition, à la subjectivité des sentiments, d’éviter les politisations et les copinages. Il est de remettre de l’équité dans les subventionnements dans les arts de la scène comme ailleurs. Il est de moderniser les fonctionnements, optimaliser les structures quand elles sont pléthoriques et absorbent, de ce fait, une partie des budgets qui pourraient être affectés à l’artiste et aux différentes étapes de la création à la diffusion.»

Les conclusions de la coupole «Nouvelle gouvernance culturelle» ont renforcé et précisé ce constat: «Les principales critiques formulées touchent les postures “juge et partie”; la durée des mandats; le manque de recours; la motivation des décisions et la visibilité pour les personnes concernées; la charge et l’investissement de travail; la distinction des temps et des lieux de la concertation et de l’avis sur les dispositifs légaux et le manque d’information et de temps pour mener à bien les missions». Elles formulaient les recommandations générales qui appelaient à distinguer trois types de fonctions incarnées par des personnes différentes pour éviter les conflits d’intérêts. La première est de formuler des avis sur des dossiers ponctuels et structurels. La deuxième fonction porte sur la négociation avec les représentants des secteurs, le pouvoir public et l’administration générale de la Culture pour défendre les intérêts sectoriels et éclairer le ou la ministre sur les décrets et les procédures dans une position de concertation sur des intérêts sectoriels.

Enfin, la troisième est une fonction de recours des demandeurs à l’égard des décisions des instances d’avis et/ou de l’administration les concernant.

Les instances d’avis envisageaient également des recommandations plus spécifiques liées aux fonctions dévolues à leurs membres comme, entre autres, de revisiter leur composition de manière à en garantir la diversité; d’assurer leur participation effective; de favoriser une plus grande rotation des mandats; de leur donner les moyens d’accomplir correctement leurs missions en termes de temps, d’informations, d’archives et de ressources. Pour la fonction d’avis sur les dossiers ponctuels et structurels, les instances souhaitent susciter, coordonner et harmoniser les grilles de lecture des dossiers de demandes d’aide sur la base d’une typologie claire et rigoureuse applicable à tous les domaines et tenant compte des spécificités. Elles veulent également assurer la transparence des décisions des organes d’avis et en communiquer les motivations auprès des acteurs de terrain et enfin déterminer des natures de dossiers et des montants pour lesquelles leur consultation n’est pas obligatoire.

Forte de ces conclusions, dont je rappelle que j’ai voulu attendre la finalisation avant d’entamer la réforme, les trois axes retenus que vous mentionnez à peu près tous sont les suivants. Le premier axe  consiste en la mise en place d’un conseil supérieur de la Culture chargé de conseiller le gouvernement et le parlement sur tout ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre des politiques culturelles, à l’exception de ce qui concerne le traitement de décisions individuelles. Cette distinction essentielle est la concrétisation de la recommandation de «Bouger les lignes» en vue de distinguer clairement la fonction consultative relative aux décisions individuelles de la fonction consultative relative à la défense des intérêts sectoriels.

Il est composé de trente représentants des fédérations professionnelles et de cinq experts ainsi que de représentants des tendances idéologiques et philosophiques. Après avis du conseil, le gouvernement peut créer, au sein du conseil, des chambres sectorielles spécifiques chargées de préparer l’avis que le conseil doit remettre dans le cadre de sa fonction consultative. À titre d’exemple, si le conseil doit se pencher sur un nouveau décret en matière de cinéma, des représentants du milieu du cinéma sont évidemment membres du conseil, mais aussi des représentants d’autres milieux. Le conseil, après avoir obtenu l’aval du gouvernement, peut décider de créer une chambre «cinéma» qui assistera le conseil dans la préparation de son avis final.

Le deuxième axe consiste en la mise en place des commissions transversales d’avis qui sont chargées de formuler, à la demande du gouvernement, un avis motivé préalable aux décisions individuelles prises en application des matières qui relèvent de leurs compétences. Elles sont au nombre de huit: commission des arts vivants; commission de la scène jeune public; commission des musiques; commission des arts plastiques; commission des langues, des lettres et du livre, commission du cinéma; commission des patrimoines culturels et enfin commission de l’action culturelle.

Les décisions individuelles portant sur une subvention annuelle de moins de 6 000 euros ne doivent plus faire l’objet d’un avis motivé préalable des commissions transversales d’avis alors que c’est le cas aujourd’hui. Je rappelle qu’actuellement, 60 % des dossiers – ce n’est pas rien – n’atteignent pas 6 000 euros. Les commissions sont dotées d’un règlement d’ordre intérieur rédigé sur la base d’un canevas général préparé par l’administration. Il énonce notamment les règles d’ordre déontologique auxquelles tout membre devra adhérer, au moment de sa désignation, par la signature d’un acte officiel. Chaque commission est constituée d’un pool d’expertise de 25 membres effectifs. Chaque commission peut se subdiviser de manière permanente. Premièrement, elle peut le faire en des sous-commissions chargées de l’examen des demandes relatives à des subventions ponctuelles, de onze membres du pool d’expertise. Deuxièmement, elle peut se subdiviser en sous-commissions chargées de l’examen des demandes relatives à des subventions structurelles, d’un même nombre de membres, mais pas spécifiquement les mêmes.

Troisièmement, elle peut créer une ou plusieurs sous-commissions chargées de traiter les demandes qui ne concernent ni les subventions ponctuelles ni les subventions structurelles, de trois membres. Je pense au travail actuel de la Commission de langue française ou du Conseil d’héraldique.

Pour plus de souplesse, j’ai souhaité que puisse être créée une sous-commission à la demande et, avec l’accord du gouvernement, une ou plusieurs sous-commissions temporaires en cas de surcharge de travail. Pour des raisons d’organisation administrative, elles seraient composées de minimum sept membres. Ce type de sous-commission demeurera l’exception – s’il y avait un afflux particulier de dossiers à un moment donné, pour ne pas surcharger les commissions.

Dans tous les cas, les sous-commissions préparent un avis que la commission transversale, dans son ensemble, débattra et validera. Vous aurez remarqué que, par rapport aux instances actuelles, les huit commissions sont beaucoup plus transversales qu’aujourd’hui, ce qui contribuera à une dynamique beaucoup moins sous-sectorielle qu’aujourd’hui.

Un droit de recours effectif souple, abordable et rapide, en amont du Conseil d’État, doit être généralisé. Une chambre de recours est donc mise en place. Son autonomie est garantie. Elle est composée de cinq membres qui sont d’anciens responsables d’opérateurs culturels et des magistrats ou juristes. Actuellement, certaines législations sectorielles ne prévoient aucun recours administratif organisé. Dès lors, les opérateurs ont uniquement la possibilité d’adresser un recours au Conseil d’État, voire éventuellement au médiateur.

D’autres législations sectorielles, notamment celles relatives aux centres culturels, à la lecture publique ou aux centres d’expression et de créativité prévoient un recours administratif organisé auprès de la ministre de la Culture, moyennant avis de l’instance d’avis compétente. Ce type de recours n’est pas suffisamment objectif étant donné que l’avis émane d’une instance qui s’est déjà prononcée sur le dossier auparavant. Voilà donc les trois axes sur lesquels vous m’interrogiez, Monsieur Maroy.

Vous évoquez également, à juste titre, 240 membres potentiels des instances, contre un nombre théorique actuel de 492 membres. Nous diviserons donc bien le nombre de membres par deux. La taille des commissions transversales et du conseil supérieur de la Culture est essentiellement due à ma volonté de voir tous les secteurs représentés continuer à l’être, soit par les fédérations au sein du conseil supérieur soit par des experts dans les commissions. Le processus de construction de l’avant-projet de texte a déjà bénéficié de plusieurs concertations ou de consultation des secteurs. Dorénavant, nous entrons dans le vif du sujet. Je pense notamment à la concertation, déjà menée avec les instances d’avis, sur le passage de la déclaration de politique communautaire concernant la réforme de ma prédécesseure en 2015. La deuxième concertation dynamique et importante est celle de «Bouger les lignes» déjà évoquée, à l’issue de laquelle le secteur a formulé des demandes très claires.

J’ai également sollicité l’administration générale de la Culture en 2016. Elle m’a fourni des analyses contextualisées de l’application du décret actuel. Je vous avais déjà dit que j’allais les demander. En janvier 2018, j’ai soumis une première mouture du texte rédigé avec le Centre d’expertise juridique. Pour le moment, elle est soumise aux instances d’avis. L’administration m’a remis un rapport en février dernier. Ses remarques ont été analysées par mon cabinet et certaines ont été intégrées à l’avant-projet de décret. Les instances en place et leurs membres sont invités désormais à se prononcer. J’attends leurs éventuelles remarques pour la mi-juillet.

Maintenant, j’entends lier mon propos aux questions orales jointes précédentes concernant l’égalité hommes-femmes. Il existe déjà un décret, celui du 3 avril 2014 visant à promouvoir la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les organes consultatifs. J’ai voulu rendre son application plus évidente en mentionnant expressément la référence à ce texte dans le nouveau décret. De surcroît, je prévois un système de double candidature pour les postes à pourvoir au conseil supérieur de la Culture, un homme et une femme chaque fois. À compétences égales, ce système permet de veiller à une représentation équilibrée des deux genres. Je rappelle que ce conseil est constitué au départ des fédérations représentatives. Chacune d’entre elles doit me rentrer une candidature d’un homme et une candidature d’une femme. Globalement, nous pourrons donc ainsi veiller aux équilibres dans les désignations.

Le coût précis du système après la réforme ne pourra être affiné que lorsque le calendrier de travail sera établi par chaque instance en début d’année. Contrairement au système actuel qui actait les charges a posteriori, la réforme va permettre d’anticiper les budgets nécessaires et donc de contrôler le coût des instances. Les dernières données statistiques en ma possession datent de 2016. Je retiens que 6 672 dossiers de moins de 6 000 euros ne passeront plus par les commissions sur un total de 11 227 dossiers gérés annuellement par l’administration générale de la Culture, allégeant en cela le nombre de dossiers à examiner et donc de réunions à organiser. Le traitement financier des membres du conseil supérieur et des commissions est de quarante euros par demi journée de travail, comme c’est actuellement le cas. Je n’ai pas encore fixé celui des membres de la chambre de recours. De la même manière, je compte rationaliser les frais de lecture des dossiers que prévoyaient certaines commissions. J’ai prévu de faire évoluer l’appel public à candidatures par rapport à ce qui est aujourd’hui en œuvre vers un appel plus souple via le site www.culture.be en lien et en place du Moniteur belge.

Les dispositions me permettant de m’assurer que les décisions seront prises sans conflits d’intérêts ou risques de copinage sont renforcées dans le décret et coulées dans le règlement d’ordre intérieur que tout membre devra signer lors de son entrée en fonction. La composition, beaucoup plus transversale du conseil et des commissions, est par ailleurs un facteur réduisant de facto l’entre-soi et donc les risques de copinage. En outre, tous les calendriers de travail et les ordres du jour seront publiés. Le gouvernement publie au cours du premier semestre de chaque année sur le site internet de l’administration les documents administratifs de l’année précédente, à savoir les avis et recommandations du conseil; les avis rendus par les commissions accompagnés des décisions rendues sur la base de ces avis; les avis rendus par l’administration relatifs aux décisions individuelles portant sur une subvention annuelle de moins de 6 000 euros accompagnés des décisions rendues sur la base de ces avis et, enfin, les avis rendus par la chambre de recours accompagnés des décisions rendues sur la base de ces avis. Ce qui signifie que même pour les 6 672 dossiers de moins de 6 000 euros – pour lesquels il n’y aura plus d’avis –, si jamais le ministre en place s’éloignait d’une jurisprudence prudente, comme tout sera publié, tout sera consultable.

Mon cabinet a pris la peine d’étudier les systèmes mis notamment en place en Flandre, en France, aux Pays-Bas et au Québec. Je ne dis pas que le texte qui circule correspond à un mélange de tous ces systèmes étant donné qu’il est surtout basé sur les recommandations de «Bouger les lignes», sur le respect de la charte associative et sur l’expérience que nous avons acquise ces dernières années sur les commissions d’avis. Chaque possibilité a néanmoins été étudiée et la meilleure a été sélectionnée afin de faire évoluer le système actuel, compte tenu de la réalité historique de participation culturelle dans notre Communauté.

Je vous confirme que j’envisage la représentation des tendances idéologiques et philosophiques du conseil supérieur de la Culture. Il est évident que la loi sur le Pacte culturel est d’application. Leurs représentants peuvent donc siéger, à titre gratuit et en tant qu’observateurs, dans les réunions de commission.

Au niveau du calendrier, les instances d’avis doivent me revenir pour la mi-juillet. Je compte mettre à profit la trêve estivale pour étudier leurs remarques. L’Observatoire des politiques culturelles est d’ailleurs associé à la collecte et à la systématisation des remarques émises. Je compte aussi appeler les organisations représentatives d’utilisateurs agréés actuelles – appelées à devenir des fédérations professionnelles du conseil supérieur – à réagir au projet de réforme. J’ai en outre l’intention de faire passer le texte en deuxième lecture durant le dernier semestre de cette année.

Par ailleurs, mon agenda ne m’a pas permis de me rendre à la représentation du bilan 2016-2017 des arts vivants. Comme il s’agit d’une présentation publique des rapports d’activités 2016-2017 des instances, cette réunion n’avait pas pour vocation à être inspirante pour la réforme.

J’aimerais conclure en rappelant que, pour mener à bien ce projet, je repose sur un mandat fort de la déclaration de politique communautaire et du secteur culturel, ainsi que de mes convictions profondes sur la charte associative. Toutefois, je compte aussi sur l’expertise des membres des instances actuelles et sur l’administration pour faire évoluer ce texte dans ses aspects pratiques. Il est avant tout un positionnement politique majeur que le gouvernement entend adopter. Je ne soutiendrai donc pas ceux qui voudraient s’en tenir à une évolution cosmétique du système, en ne révisant par exemple que le nombre des membres des instances.

Olivier Maroy (MR). – Madame la Ministre, je vous remercie pour votre longue réponse. Je suis content d’entendre les propos d’une ministre qui, alors que nous sommes en début de processus, en première lecture de projet, accepte d’expliquer ses objectifs. Je vous en félicite. Mieux vaut tard que jamais. Vous avez pointé les obstacles au bon fonctionnement de notre système. Je me garderai bien d’adopter une position définitive sur votre proposition de projet. Cependant, sa structure, fondée sur trois piliers, me semble intéressante, avec des rôles bien définis.

Je salue l’indispensable création de la chambre de recours. Il était indigne qu’aucun recours n’existe, hormis celui de passer devant ceux qui ont «jugé» le plaignant ou devant le Conseil d’État, démarche souvent coûteuse et assez longue. Que les commissions soient décloisonnées est positif: huit commissions transversales à la place d’une quarantaine sont prévues.

Évidemment, toute médaille a son revers. Par exemple, le défi sera de trouver des gens qui soient suffisamment éclectiques pour s’y connaître de manière pointue à la fois en hip-hop et en musique classique, puisqu’une seule commission existera pour toutes les musiques. Pourtant, cette solution semble préférable au cloisonnement des instances. Des réponses devront cependant être trouvées à ce genre de problématique. Nous diviserions donc le nombre des membres par deux, ce qui est une bonne initiative, même si cette question n’est pas la plus importante. En effet, bien sûr, la compétence des membres des commissions est indispensable. Ceux-ci doivent être, autant que possible, objectifs et neutres. Évidemment, je m’interroge sur la manière avec laquelle vous éviterez que les membres soient à la fois juge et partie. Cette question est d’actualité, car, dans ces instances d’avis, se trouvent des personnes dirigeant par ailleurs des institutions culturelles. Auraient-ils la tentation de servir ou de soigner prioritairement l’organisme dont ils sont issus?

La manière de choisir les candidats ne me rassure guère. Le système mériterait d’être affiné et ne devrait pas entièrement dépendre du ministre, par exemple votre successeur après les élections. L’objectif est de dépolitiser et de lutter contre le copinage. Par conséquent, nous suivrons attentivement le calendrier de la réforme. Nous verrons si vous tenez le pari de l’instaurer avant la fin de la législature. En tout cas, je vous remercie pour la transparence dont vous faites preuve.

Pascal Baurain (cdH). – Madame la Ministre, ce projet semble très intéressant. Tous les éléments cités dans la réplique de M. Maroy sont d’ailleurs positifs. Nous nous orientons manifestement vers une saine gouvernance, notamment pour la transversalité qui a été soulignée. Vous avez évoqué la publication des avis, gage de transparence et qui devrait rassurer ceux qui pourraient craindre que les dirigeants politiques ne fassent pas preuve de modestie, tel qu’évoqué tout à l’heure. Nous avons pris bonne note du fait que vous êtes à l’écoute du retour des instances d’avis.

Il faudra toutefois veiller à éviter qu’elles ne tentent de conserver ou de pérenniser certaines pratiques qui ont montré leurs limites.

Christos Doulkeridis (Ecolo). – Madame la Ministre, il faut encourager les tentatives d’amélioration d’un système qui est complexe.

Vos réponses étaient très précises et complètes, je prendrai vraiment le temps de les relire avec attention en raison de ses nombreux éléments. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir. Je salue aussi la mise en place d’une instance de recours. Nous en avions parlé tous ensemble au moment de prendre des décisions pour les arts de la scène. Il faut que cette instance de recours puisse être réellement effective. Nous le savons, celles qui existent actuellement, le Conseil d’État et le Médiateur, ne sont pas opérationnelles, car elles ne permettent pas du tout de disposer d’un vrai recours. Nous jugerons aussi cette instance sur ses résultats, non pas parce que nous espérons que toutes les décisions vont être remises en cause, mais parce que, réellement et concrètement, il sera possible d’avoir un recours objectivable.

C’est extrêmement important et il est normal que les différentes structures puissent bénéficier de ce type de recours.

Je vous rejoins sur les différents éléments que vous avez fournis sur les objectifs que vise cette réforme. J’enregistre le fait que les instances d’avis devront remettre un avis pour la mi-juillet.

Ai-je bien compris qu’ils seront rendus publics ou me trompé-je? Nous avons un regard et un certain nombre d’exigences démocratiques pour ces réformes.

Les instances d’avis ont un regard beaucoup plus particulier, plus spécialisé. Il sera utile aussi, à nous, parlementaires, de pouvoir avoir en tête les remarques qu’elles auront pu donner. C’est la raison pour laquelle je me permets de suggérer que ces avis puissent être rendus publics à un moment donné pour que nous disposions de l’ensemble de ces éléments. De plus, je rejoins ce que disait M. Maroy, nous espérons tous qu’elles ne jouent pas un simple rôle de frein à un processus de réforme. Nous sommes chacun capable d’en juger. Nous reviendrons dans les semaines qui viennent afin d’observer l’état d’avancement de ce dossier important pour cette législature.

Mme Alda Greoli, vice-présidente du gouvernement et ministre de la Culture et de l’Enfance. – Me parlez-vous des avis sur le projet de décret? Sont-ce ceux-là que vous voulez rendre publics?

Christos Doulkeridis (Ecolo). – Oui

 

C.R.I.C. N° 107-Cult16 (2017-2018) – Lundi 11 juin 2018