Super Zoomy, un superhéros aux côtés des enfants et des familles

Le projet a été plébiscité par le public dans le cadre des Reintegration Awards du Crésam, le centre de référence wallon en santé mentale. Et ce n’est pas étonnant. D’abord parce qu’il vise les enfants, le mieux-être des enfants et, par extension, celui des familles. Ensuite parce qu’il apporte un vent de nouveauté au niveau des modes de prise en charge psychosociale. Et, pour terminer, parce que cela marche. Bien sûr, comme dans toute démarche thérapeutique, d’emblée, cela passe ou cela casse. Mais partout où la méthode a pu être initiée, les avancées, les résultats, sont là, tangibles… Super Zoomy n’est peut-être pas la panacée, mais, sur la route du mieux-être, il est indéniablement un précieux allié des enfants et de leur famille.

Physiquement, Super Zoomy, c’est une tablette… mais c’est aussi un doudou, une mascotte qui se veut accrocheuse et qui, en tout cas, semble séduire les enfants. Il est à la fois partie prenante et emblème d’un projet thérapeutique interactif développé par l’équipe du service de santé mentale de Couvin, un type d’intervention destiné aux familles, et précisément aux enfants. Car tout part bien de ce public cible. Et des observations que la pratique a permis de dégager, il y a un peu plus de trois ans. Avec un premier constat : les prises en charge individuelles d’enfants sont fréquentes. Et un autre : l’équipe est confrontée à des suivis longs, irréguliers et dans lesquels les familles font montre de peu d’implication. La conséquence ? Oui, l’espace thérapeutique peut offrir une bulle de soutien à l’enfant, mais, sitôt sorti, ce dernier est replongé dans son quotidien. Un quotidien qui de plus est souvent difficile. Il convenait d’essayer de renverser la vapeur…

« Pour toute nouvelle prise en charge d’un enfant, nous avons alors systématisé notre intervention », explique Aurore Piret, psychologue et directrice administrative du service de santé mentale de Couvin. « Un binôme de thérapeutes est désigné et réalise une première investigation de trois entretiens, dont une visite à domicile ».

C’est alors que Super Zoomy va – ou pas – entrer en piste. Une fois passées ces premières rencontres, il sera proposé à certaines familles « de l’adopter ». Et, en clair, on procédera à l’installation d’une tablette au sein de leur domicile en activant la fonction vidéo. L’équipe quitte alors l’endroit. Le quotidien reprend son cours normal dans le foyer… à ceci près, bien sûr, que la tablette filme ce qui s’y déroule. Et que ces images vont être récupérées par les thérapeutes. De cette manière, les professionnels vont accéder à des instants importants de la vie des familles dont ils n’auraient peut-être pas pris connaissance autrement – ou encore dont ils n’auraient pas pu mesurer toute la portée au travers de mots… Elles vont lui permettre de rejoindre l’autre dans sa réalité matérielle, sociale, psychique…

Une fois récupérées, les images seront décortiquées et analysées par l’équipe. Ensuite, une sélection d’entre elles, les moments-clés, seront montrés aux membres de la cellule familiale au cours d’un débriefing. Confrontation salutaire. Le système met en lumière non seulement les dynamiques intrafamiliales, mais aussi les comportements des uns et des autres. En se voyant fonctionner, chacun se rend compte d’éléments (attitudes positives comme travers, d’ailleurs) dont il ou elle n’avait pas nécessairement conscience… Ce qui permet d’avancer. Et ce n’est là qu’un des avantages de la méthode.

En fait, cette méthode vient bousculer les codes ; elle change véritablement les rapports entre les uns et les autres. Pourquoi ? Comment ? Le dispositif joue le rôle de tiers. Dès lors, le professionnel n’est plus l’acteur qui dit au « patient » ou à un membre de son entourage « il y a un problème à ce niveau ». Il ne se pose plus, d’une certaine manière, en « juge ». Il devient un spectateur, un observateur de la situation et donc, au lieu d’affirmer, il commente, il nuance… avec toujours, en ligne mire, l’objectif de rejoindre les usagers là où ils se situent. Il va valoriser les compétences tant des parents que des enfants. Tantôt, il mettra en évidence les discordances entre les discours tenus et les faits observés ; tantôt, il travaillera au départ des propres constats de la famille. Il va chercher à impliquer chacun de ses membres et donner à la personne souffrant de maladie mentale une place à part entière. Elle aussi se voit fonctionner et perçoit autrement son vécu.

Comme le soulignent les mamans de Super Zoomy, Caherine Rossion et Caroline Lequeut, ce projet novateur permet un travail thérapeutique différent en amenant un autre regard. Il ne se concentre d’ailleurs pas, on le voit, uniquement sur l’usager ; il prend en compte la famille dans son intégralité. Qu’il soit adulte ou enfant, celui qui a des difficultés d’ordre psychiatrique est une personne en souffrance, mais elle n’est pas la seule : c’est aussi toute sa sphère familiale qui est affectée par un quotidien chaotique.

« Notre initiative permet d’accéder à l’individu de manière globale et en interaction avec ses proches », commente Aurore Piret. « Elle nous permet aussi d’aborder les difficultés des parents et de les mettre en mots avec les enfants. Super Zoomy est un levier thérapeutique percutant, qui permet des changements importants, tant au niveau des dynamiques familiales que des prises de conscience individuelles ».

Quant au nom de ce superhéros, il s’est presque naturellement imposé et c’est en partie aux enfants qu’on le doit. Catherine Rossion et Caroline Lequeut relatent que, en se rendant dans les familles, elles étaient accueillies à coups de « C’est Super Nanny ». À ce petit nom, emprunté à un programme télé bien connu, n’a pas tardé à se juxtaposer l’image de cette tablette dont la caméra « zoome » sur les épisodes de la vie de famille…