Le 17 octobre dernier, l’Assemblée des Départements de France (ADF) a organisé, à Paris, un colloque intitulé « Les nouveaux enjeux de la relation Départements – Métropoles pour la décentralisation ».
Cet événement fut l’occasion d’un débat d’idées entre des Présidents de Départements et des universitaires, historiens ou spécialistes du droit des collectivités locales, autour du fait métropolitain et de ses conséquences sur l’Institution départementale.
En effet, aujourd’hui, de nombreux élus locaux dénoncent une « désubstantialisation » inspirée et encouragée par l’État, ainsi que d’un désaisissement progressif mais réel, des trois échelons du pouvoir politique local au profit du phénomène métropolitain qu’ils jugent trop technocratique.
Cette matinée de travail s’est ouverte par la présentation de l’Etude commandée par l’ADF à Arnaud Duranthon, Maître de conférences à l’Université de Strasbourg intitulée « L’institution départementale à l’heure métropolitaine : quelles perspectives ? ».
Cet ouvrage vise à mesurer les effets du processus de métropolisation sur l’Institution départementale, sur son positionnement par rapport aux autres collectivités locales mais aussi son projet.
Le caractère soudain et brutal du phénomène métropolitain est marqué par un affaiblissement des départements et une perte de compétences de ces derniers. Cette affirmation des métropoles est souvent qualifiée de « nouvelle décentralisation » au sein de laquelle les rhétoriques de « simplification » et de « rationalisation » sont fortement ancrées.
La Métropole est alors vue comme un support fondamental de la mondialisation économique et culturelle accompagné par un discours selon lequel il est indispensable d’avoir une Métropole pour bénéficier d’une influence, d’une visibilité internationale.
Ce phénomène a connu un véritable essor au début des années 2000. Le mouvement de métropolisation est alors utilisé comme un moteur économique. Les enjeux de l’aménagement du territoire ainsi que les réalités sociales sont envisagées principalement sous ce prisme économique.
Les rapports Balladur et Attali dédiées aux collectivités territoriales ont donné une caisse de raisonnance politique à ce phénomène alors que la loi de 2010 sur les réformes territoriales lui a donné un corps juridique.
La loi de 2014 sur la modernisation de l’action publique territoriale et l’affirmation des métropoles (MAPTAM) a créé 14 métropoles. A l’heure actuelle, le territoire français en compte 22.
Ces métropoles ont été pensées de façon étroite avec le niveau régional, il existe une grande proximité entre les compétences de ces deux échelons, mais se sont systématiquement réalisées au détriment du Département.
Il faut cependant noter que la Métropole reste une Institution en quête de légitimité politique et d’ancrage social. D’ailleurs, le transfert de certaines compétences a pour objectif de parvenir à les ancrer socialement.
Par ailleurs, ces Métropoles diffèrent fortement d’une région à l’autre alors que modèle lyonnais est souvent présenté comme le modèle à suivre. L’Etude démontre, cependant, l’étendue des spécificités de chacune et l’impossibilité d’adopter un modèle unique qui serait transposable partout.
La France connaît actuellement une « course à la réforme » avec une mise en concurrence des différentes collectivités territoriales. Tous ses échelons connaissent des changements qui leur font perdre leur substance politique.
Les Métropoles ont été mises en place pour des objectifs économiques pour lesquels les Départements ont été jugés inadaptés. Cependant, on constate que la structure « solidariste » des Départements demeure primordiale, ces derniers assurant une réelle solidarité entre les territoires et les citoyens mais aussi renforçant le lien entre le rural et l’urbain. Le Département reste donc l’échelon de référencement social des identités.
Le processus de métropolisation forcée consiste donc, selon cette ouvrage, à remplacer l’Institution départementale sans apporter d’améliorations fondamentales à la décentralisation et aux services publics rendus aux usagers.
Les réalités vécues au quotidien sur le terrain par les Présidents de Département ne sont évidemment pas similaires partout. Ils ont eu l’occasion, via des exemples très concrets, d’exposer leur point de vue sur la relation entre leur Département et la Métropole.
Ainsi, dans le Département du Finistère, une relation forte s’est forgée entre les deux échelons. Cette relation est avant tout basée sur une vision partagée des rôles de chacun. La Métropole est une locomotive pour le Département et les questions humaines et sociales sont débattues ensemble. Certaines politiques sociales sont très difficiles à mettre en œuvre au niveau métropolitain, le Département reste donc indispensable.
La Présidente de ce Département considère qu’il est indispensable de s’organiser afin de rendre le meilleur service au citoyen, tout en sortant des concurrences entre territoires.
D’autres élus départementaux considèrent que ce phénomène n’a qu’un seul but : la recentralisation. Il existerait donc une volonté de nuire aux collectivités territoriales alors que celles-ci sont bien gérées.
Ils notent qu’il existe une réelle méconnaissance des compétences portées au quotidien par le Département. Les élus départementaux ont trop souvent été sur la défensives face aux réformes portées par les Gouvernements qui se sont succédés. Ainsi, il est important d’insister régulièrement sur le fait que le Département demeure l’unique opérateur social en France.
Le transfert de cette compétence serait très long, couteux et compliqué à mettre en œuvre. Il est donc bien plus pertinent de consolider ce qui fonctionne. Les élus notent d’ailleurs que beaucoup d’énergie a été déployée ces dernières années pour le transfert de certaines compétences mais que rien n’a évolué depuis.
En Gironde, il existe également une réelle interdépendance des territoires qui conduit à un partenariat solide entre le Département et la Métropole. La dynamique de la métropole est articulée avec le reste des territoires (zones rurales, villes moyennes,…).
Les Professeurs tiennent à mettre en évidence les atouts que le Département doit faire valoir : son ancrage historique et sa forte identité, la correspondance entre l’Institution et ses limites territoriales, l’élection au suffrage universel direct, le lien qui unit l’élu et la population dans chaque canton, et, enfin, le fonctionnement interne de la collectivité.
Pour conclure cette matinée de travail, Gérard Larcher, Président du Sénat, regrette que le Gouvernement ne consulte pas suffisamment les Départements dans le processus de rapprochement qui a été mis en œuvre avec les Métropoles. Il est inacceptable d’imposer un schéma à l’une des parties prenantes. Il plaide donc pour un véritable dialogue entre l’Exécutif et les collectivités territoriales et tient à insister sur le caractère indispensable de l’échelon départemental afin de garantir la solidarité sociale et territoriale. Il est urgent de mettre fin à la logique de concurrence entre collectivités.