Comme annoncé dans sa Déclaration de Politique régionale, le Gouvernement wallon s’est engagé, fin d’année 2018, dans une réforme de l’Institution provinciale.
L’avant-projet de décret de la Ministre Valérie De Bue vise principalement le transfert de certaines compétences provinciales vers la Région (patrimoine classé, promotion du tourisme, santé, environnement, financement des zones de secours, logement).
La concertation avec le niveau régional, réclamée par les Provinces pendant plusieurs mois, s’est enfin amorcée à la suite de l’avis rendu sur ce texte par l’Association des Provinces wallonnes, et ce, à quelques semaines seulement du scrutin régional du 26 mai prochain.
L’avis de l’APW
L’APW a donc rendu un avis sur ce texte à la Ministre Valérie De Bue en ce début d’année 2019. L’occasion de rappeler la nécessaire concertation avec les acteurs concernés et de mettre en lumière les nombreuses failles que comporte l’avant-projet de décret.
L’APW déplore la méthode utilisée, pour le moins irrespectueuse à l’égard des Provinces, laissant de nombreuses zones d’ombre et inquiétudes quant à l’avenir du personnel concerné et des collaborations avec les Communes, notamment.
En effet, une série de points cruciaux seront déterminés entre la première et la deuxième lecture (moyens humains et budgétaires, actualisation des chiffres, calendrier, « analyse fine des compétences », définition du périmètre précis des transferts, transfert des biens meubles et immeubles…), alors que le processus de concertation sera quasiment clôturé.
L’APW regrette également l’utilisation faite de son étude sur les hypothèses d’avenir des Provinces wallonnes en ce sens où le Gouvernement wallon ne retient que les éléments en faveur de sa thèse et estime qu’il s’agit là d’une analyse fine des compétences exercées par les Provinces, ce qui n’est évidemment pas le cas.
De plus, les données avancées dans l’étude doivent être revues et actualisées (champs flou de compétences à transférer, mesures antérieures du fonds des Provinces non prises en compte, double comptabilisation ordinaire/extraordinaire, ajout ou non des 10 % du fonds liés aux actions additionnelles de supracommunalité, évolution des activités des Provinces et du fonctionnement de leurs services…).
Les réunions de concertation
Les réunions de concertation ont débuté le 4 février dernier à l’Elysette. Le Gouvernement wallon a reçu les représentants des Provinces afin d’échanger sur la méthodologie de mise en œuvre des transferts de compétences. Lors de cette rencontre, une clé USB contenant de nombreux tableaux à compléter a été remise aux cinq Provinces. Toutes les informations, en termes d’actions, de budgets, de personnel ou encore de bâtiments étaient alors sollicitées dans un délais intenable de deux semaines.
Les rencontres avec les Ministres fonctionnels se sont alors succédé dans le courant du mois de février en vue de définir, ensemble, le champ des compétences à transférer. Ces échanges n’ont, cependant, pas permis d’apporter des éclaircissements quant au texte ni d’apaiser les inquiétudes des Provinces.
Il ressort même de ces réunions de concertation avec les Ministres une conception de la méthodologie à appliquer propre à chacun, ce qui ne permet pas d’avancer efficacement dans la délimitation du champ des compétences concernées par cet avant-projet de décret.
Qu’en est-il du personnel concerné par la réforme ?
Le Gouvernement wallon n’a rien communiqué sur le transfert du personnel, ce qui ne fait qu’accroître nos inquiétudes quant à ce transfert, qui doit garantir le maintien des droits des agents, qu’ils soient statutaires ou contractuels.
L’APW a donc posé toute une série de questions quant au caractère volontaire ou obligatoire des départs, à la délocalisation, au risque d’engorgement dans les services régionaux, au risque de discrimination dans les systèmes d’évolution de carrière, à la valorisation des formations, aux impacts financiers et en termes de pension…
Derrière cette soudaine réforme institutionnelle adoptée en fin de législature, c’est l’avenir de près de 1.000 ETP titulaires de compétences spécifiques qui est en jeu. Ces derniers seront impactés en première ligne et méritent, au vu de la qualité du travail qu’ils rendent au quotidien, le respect et des réponses aux questions légitimes qu’ils se posent.
Il est, de plus, impossible d’identifier le personnel affecté exclusivement aux matières transférées, les agents n’étant pas tous affectés à une compétence en particulier.
Les réponses apportées par les Ministres concernés sont même parfois contradictoires. Le manque de réflexion et de cohérence du Gouvernement sur ce sujet essentiel ne fait que renforcer les inquiétudes des Provinces.
Quelles sont les garanties pour les citoyens et les Communes ?
La continuité des services offerts aux bénéficiaires n’apparaît, dans la note au Gouvernement wallon, que comme « principe », ce qui pose la question de la garantie du maintien des activités menées par les Provinces.
En effet, il est essentiel qu’une telle réforme garantisse aux citoyens, aux Communes ou aux associations que les services qui leur étaient rendus précédemment par les Provinces pourront continuer à l’être avec le même niveau de qualité et de proximité tout en respectant les spécificités de chaque territoire.
Or, nous constatons que la Région ne disposera pas des moyens nécessaires pour lisser l’ensemble des compétences .
L’impact financier de la réforme souhaitée n’a pas été mesuré par le Gouvernement wallon alors que celle-ci aura également des conséquences sur les finances communales et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Enfin, les Provinces attendent que le Gouvernement fasse la démonstration que le transfert des compétences provinciales dans le giron régional apporte une réelle plus-value pour le citoyen, pour les Communes et pour l’ensemble des acteurs impliqués dans ce projet de réforme. Cette invitation est restée lettre morte jusqu’à présent.
Rappelons la jurisprudence de la Cour constitutionnelle faisait état que supprimer une ou plusieurs compétences des Provinces est possible pour autant que la démonstration soit faite que la matière sera mieux gérée à un autre échelon.
Et en ce qui concerne les compétences qui devraient être transférées ?
Les Provinces ont pu relever un certain nombre d’incertitudes, aussi bien au niveau des textes proposés par la Région qu’au niveau des réunions qui se sont tenues avec les Ministres.
De fait, l’APW a pu constater, en mettant en parallèle le contenu de la loi spéciale de réformes institutionnelles (à laquelle fait référence l’avant-projet de décret) et celui de la note au Gouvernement wallon, qu’il existe de très nombreuses incohérences : certains aspects rattachés à une compétence se retrouvent dans la note mais pas dans la loi spéciale et inversement.
Dans cette nébuleuse, quelles sont les véritables intentions de la Région au niveau de l’étendue du transfert de compétences ?
Aucune évaluation des transferts opérés ces dernières années, en matière de voiries et de logement, n’a été opérée. Cet exercice apparaissait pourtant comme un préalable nécessaire à l’examen de tout nouveau transfert de compétence.
Une réforme de cette ampleur doit se mener dans le plein respect du principe de subsidiarité et prendre en compte le rapport aux territoires, très marqué dans les compétences visées par l’avant-projet de décret.
Conclusions
Les concertations entre les Provinces et l’exécutif wallon n’ont pas permis, jusqu’ici, d’avancer efficacement dans la délimitation du champ des compétences concernées par cet avant-projet de décret.
Les Provinces restent favorables à une réforme de l’Institution mais insistent, surtout, sur la nécessité de mener une réflexion plus large sur l’ensemble du paysage institutionnel wallon, en impliquant l’ensemble des acteurs concernés.
Il est important de pouvoir réfléchir sereinement sur la notion de territoires et sur la façon de les organiser de la manière la plus efficiente. Un tel travail doit s’inscrire dans le temps et se mener dans un climat de respect réciproque.
La garantie d’un service public de qualité sur l’ensemble du territoire wallon doit être le principal objectif d’une réforme de cette ampleur.
Mais, au moment de boucler ces lignes, nous apprenons que le Parlement de Wallonie n’a plus de majorité. L’avenir des réformes en cours, dont celle concernant les provinces, est donc fortement compromis…