Avis de l’APW relatif à l’avant-projet de Décret Programme – Mesures « Finances Locales », « Impétrants », « Loi organique CPAS »

Article 399 :

Cet article prévoit l’insertion de l’article L 2231- 5 bis dans le Code de la démocratie locale. L’APW considère que ce texte, en ce qu’il fait référence à une possible « ratification » par le Conseil, engendre une insécurité juridique à plusieurs égards.

D’abord parce que si le Conseil provincial peut ratifier, c’est qu’il détient, à propos de l’acte posé, une compétence quelconque. Or, s’agissant d’exécuter le paiement d’une dépense, c’est-à-dire de poser un acte d’exécution pure et simple, la compétence de principe échoit à propos de tels actes, en vertu de l’article L2212-48 al4 du CDLD au Collège exclusivement.

Nous pouvons imaginer que cet alinéa 2 crée une exception à ce principe en vertu de laquelle le Collège délèguerait en quelque sorte sa compétence de décision au Conseil à propos de l’exécution d’une dépense particulière.

En ce cas, néanmoins :

  • Soit le Collège décide en vertu de sa compétence de principe et le Conseil est sans compétence pour ratifier la décision du Collège.
  • Soit le Collège décide de déléguer ponctuellement sa compétence au Conseil et ledit Collège est alors, lui, sans compétence pour prendre une décision de sorte qu’une « ratification » par le Conseil ne peut s’envisager.

En effet, après ratification, l’acte administratif serait censé avoir été, dès l’origine, celui de l’auteur de la ratification[1] de sorte qu’une norme ne peut relever de la compétence concurrente et ici successive dans le temps des deux auteurs.

La seconde observation a trait aux dispositions de l’article L 2231 – 5 bis nouveau qui, en son paragraphe 3 poserait que « Les membres du Collège provincial sont personnellement responsables des dépenses engagées ou mandatées par eux contrairement au paragraphe 1er ».

L’APW considère que cet article peut aboutir, dans certaines hypothèses, à faire naître dans le chef des membres du Collège provincial une responsabilité pour autrui.

En effet, le paragraphe 2 nouveau de cet article prévoit que le Collège provincial, confronté à un avis défavorable du Directeur financier provincial, peut soumettre sa décision à la ratification du Conseil provincial.

Sous réserve de ce qui est exprimé ci-avant à propos de la notion de « ratification », la ratification envisagée a un effet certain et automatique en droit : après sa décision de ratification, le Conseil provincial doit être considéré comme étant l’auteur de la décision contraire aux dispositions de l’article 1er de cet article 2231- 5 bis.

En effet, après ratification, l’acte administratif serait censé avoir été celui du Conseil dès l’origine.

Rendre les membres du Collège provincial responsables des dépenses engagés ou mandatées en exécution d’une décision « ratifiée » par le Conseil revient donc à les rendre responsables d’une décision d’un tiers.

Une telle responsabilité (qui doit s’assimiler à une responsabilité du type pénal ou à tout le moins disciplinaire) paraît contraire au principe général de la personnalité de la faute.

Enfin, nous pouvons regretter à propos de l’article que ces nouvelles dispositions ne soient pas intégrées dans un article L 2231 – 1 bis et ce, en vue de rendre l’ensemble plus cohérent et lisible.

Cet article est lié aux avis qu’émet le Directeur financier et aux délais dont il dispose pour le faire alors que l’art L 2231- 5 est lui afférent aux institutions financières par l’entremise desquelles les recettes et les dépenses générales de la Province sont opérées.

Article 400 :

Le texte prévoit que « Le Conseil provincial se réunit chaque année durant le mois de décembre au plus tard…pour délibérer sur le budget initial définitif… ».

De même, il est prévu que le « Collège provincial se réunit chaque année durant le mois de septembre au plus tard pour arrêter le budget initial provisoire de l’exercice suivant ».

Un problème pourrait se poser lors des années électorales. Il semble donc utile de prévoir une exception à cette règle lors de ces années particulières.

En effet, si on peut comprendre les impératifs qui s’imposent au législateur wallon au moment de fixer ce calendrier, on regrettera de constater que, lors des années où le Conseil provincial est entièrement renouvelé, il est possible que la charge de travail budgétaire soit répartie entre deux législatures et donc commencée à l’initiative d’une majorité et conclue par une autre majorité.

Article 401 :

Le texte prévoit que « Lors de chaque budget et modifications budgétaires, les Provinces élaborent et transmettent des prévisions budgétaires pluriannuelles… ».

Cependant, il nous semble lourd et peu utile d’élaborer ce type de document lors de chaque modification budgétaire. De plus, en ce qui concerne le service extraordinaire, ces projections ne sont pas significatives car les dépenses sont dans une grande mesure des dépenses exceptionnelles qui ne sont à prévoir qu’en fonction des moyens disponibles.

Article 403 :

Cette disposition permettant l’envoi des documents budgétaires aux organisations syndicales simultanément à l’envoi aux autorités de tutelle est intéressante car elle permettra de réduire le délai pour obtenir l’approbation de la tutelle.

Article 407 

L’article 2233-2 serait modifié en ce qu’il poserait désormais que : « il est institué à la charge du budget des recettes et dépenses de la RW une dotation générale annuelle dénommée Fonds des provinces et destinée à financer les provinces wallonnes conformément au dispositif prévu par l’article L2233 – 3 ».

Nous constatons que les termes « et constituent une recette sans affectation » ont donc été supprimés.

La suppression de cette partie du texte pourrait révéler implicitement une volonté d’introduire ultérieurement de nouvelles obligations en matière d’affectation de cette recette importante pour les finances provinciales.

Il n’est dès lors pas vain, de rappeler, à ce propos les dispositions de la Loi spéciale de réforme institutionnelle, et plus particulièrement son article 6.

En effet, l’article 6 §1er de cette Loi spéciale de réforme institutionnelle établit une distinction entre :

  • D’une part (art6 1er 9°) le financement général des […] des collectivités supracommunales et des provinces ;
  • D’autre part, (art. 6 1er 10°) le financement des missions à remplir par les […] collectivités supracommunales, les provinces et par d’autres personnes morales de droit public dans les matières qui relèvent de la compétence des Régions, sauf lorsque ces missions se rapportent à une matière qui est de la compétence de l’autorité fédérale ou des communautés.

L’utilisation dans le projet d’article précité du terme « général » fait écho à cet article 6 §1er 9° de la L.S.R.I et crée un lien incontestable entre cette charge budgétaire wallonne et la compétence régionale d’assurer le financement général des provinces.

 Dès lors qu’elle se rattache à cet article 6 §1er 9° de la L.S.R.I, la disposition nouvelle, qui prévoit la dotation générale, ne peut constituer le financement décrit à l’article 6 §1er 10° qui tend, lui, à permettre aux Régions de financer spécifiquement certaines missions dont la charge est confiée aux provinces.

 L’usage du terme « dotation » est également sans ambiguïté quant à la possibilité d’affecter celle-ci. En effet, il est admis en matière de finances publiques que les dotations constituent l’ensemble des transferts financiers non affectés, c’est-à-dire les recettes provenant d’autres niveaux de pouvoir dont l’obtention n’est liée à aucune obligation d’affectation. En ce sens, les dotations s’opposent aux subsides qui doivent, eux, être affectés à une fin préalablement et spécifiquement définie.

 En conclusion, le projet de nouvel article L 2232 – 2 du CDLD n’ouvre pas, plus que la version actuellement en vigueur, la porte à une possibilité pour la Région d’imposer une affectation stricte de la dotation qu’elle versera demain aux provinces.

Article 426 

Enfin, l’APW se félicite de la suppression des mots « d’adhérer » devant « et d’utiliser » dans l’alinéa 2 de l’article 43, qui est remplacé par « Les personnes visées à l’article 8 sont tenues d’utiliser le portail ainsi que toutes ses fonctionnalités au fur et à mesure de leur développement. », dans le cadre du décret impétrant. »

[1] Voy. En sens « Le Conseil d’Etat en Belgique » vol 1, Salmon Jaumotte, Thibaut, ed. Bruylant, 2012, p.1077 n° 494.