Observations liminaires
Tout d’abord, l’Association des provinces wallonnes ne peut que se féliciter du fait que le Gouvernement wallon prenne en considération l’impact des pollutions intérieures sur la santé des citoyens au travers d’un texte réglementaire
Ce projet de décret est important car il propose un cadre légal en matière de pollutions intérieures, inexistant jusqu’à présent en Wallonie.
L’information du public permettra de prévenir l’exposition à certains polluants, tandis que l’établissement de valeurs-guides permettra d’objectiver les analyses réalisées par les SAMI dans les milieux intérieurs, similairement à la Flandre et à d’autres pays européens.
Cependant, l’Association des provinces wallonnes regrette que les Services d’Analyse des Milieux Intérieurs et Laboratoires des Pollutions Intérieures (SAMI-LPI) provinciaux ne soient pas explicitement associés à cet avant-projet de décret alors qu’il s’agit d’acteurs institutionnels actifs en matière de pollutions intérieures et que leur expertise n’est plus à démontrer.
Chapitre 1er
Art 1 :
Tout d’abord, l’APW tient à rappeler que la mesure de la qualité de l’air requiert une compétence technique de mesure dont ne dispose pas la Région mais qui existe depuis plus de 15 ans au sein des provinces wallonnes.
Les provinces interviennent actuellement des les habitations, que la personne soit propriétaire ou locataire du logement (privé ou public), sur base d’une demande écrite d’un médecin uniquement.
Les SAMI mesurent différents paramètres et effectuent des prélèvements afin de rechercher des polluants chimiques biologiques ou physiques. Il s’agit d’une approche globale (un seul intervenant) qui aboutit à l’envoi d’un rapport d’analyse au médecin et au patient. L’objectif de cette démarche vise à aider le médecin à affiner son anamnèse et à offrir au patient une série de conseils appropriés lui permettant d’améliorer la qualité de son environnement intérieur et, in fine, améliorer sa santé. Il s’agit d’un service public entièrement gratuit pour le citoyen
L’avant-projet de décret énonce un objectif global sans préciser la stratégie mise en œuvre pour atteindre une véritable limitation des risques. A ce propos, Il conviendrait d’ajouter, après espaces fermés, « par la réalisation d’une mission de conseils et d’aide au diagnostic de toute source de pollution y compris le radon, à la qualité de l’air intérieur des espaces fermés ».
Enfin, les lieux publics, s’ils sont précis, doivent être explicitement énoncés – écoles, crèches, … – ce qui nécessite d’associer la Fédération Wallonie-Bruxelles à ce dispositif décrétal vu sa compétence de pouvoir subsidiant et organisateur pour ces deux secteurs notamment.
Art 2 :
L’Association des provinces wallonnes considère que la définition des termes s’avère imprécise, voire contradictoire. Il s’agit de préciser les contours de la notion d’air intérieur. L’air intérieur visé par le point 2° concerne-t-il l’air ambiant et/ou toutes les sources de pollution intérieures ?
Pour ce qui est de la notion de « valeur guide », l’APW propose de remplacer la définition « le niveau à atteindre ou à maintenir dans un espace fermé… » par « le niveau maximum autorisé dans un espace fermé… ». Pour illustrer notre propos, nous pouvons prendre une substance comme le benzène dont le caractère cancérigène est reconnu. Idéalement, la concentration en benzène doit être la plus faible possible et la valeur guide proposée pour le benzène n’est bien entendu pas le niveau à atteindre ou à maintenir dans un espace fermé. Il est donc nécessaire de revoir la définition de la valeur guide ou d’introduire la notion de valeur limite admissible.
De plus, compte tenu de l’expérience et des compétences techniques des SAMI provinciaux, il serait opportun de fixer ces valeurs par type de polluants. La mesure des polluants s’effectuerait dans le cadre de visites domiciliaires, à la demande d’un médecin ou d’un directeur de Pouvoir Organisateur public ou dans le cadre de visites obligatoires de lieux publics, à définir dans le cadre règlementaire wallon. Les paramètres obligatoires (valeurs d’intervention) à mesurer avec leurs valeurs guides sont également à préciser.
En ce qui concerne le demandeur tel que défini au point 1°, l’APW tient à réitérer le fait qu’il est indispensable que la demande émane de professionnels de la santé tels que les médecins scolaires ou la direction du Pouvoir Organisateur, et non, par exemple, sur sollicitations des parents. Cela permettra de réduire le risque d’être submergés par des demandes injustifiées. De même, si l’on considère que le présent texte vise les espaces ouverts à un large public (gares, aéroports, …), nous nous inquiétions de savoir quel demandeur sera éligible.
Ensuite, il est prévu que le Gouvernement désigné les « services d’évaluation ». Comme précisé ci-dessus, si cette évaluation est confiée aux SAMI provinciaux, il convient d’en fixer un cadre strict en termes de budget et de personnel supplémentaire. Cela devra se traduire par la garantie de moyens humains et budgétaires nécessaires pour permettre l’accomplissement des missions supplémentaires qui leur seront confiées.
Enfin, compte tenu de l’expérience et des compétences techniques des SAMI provinciaux, il serait opportun de fixer ces valeurs par type de polluants. La mesure des polluants s’effectuerait dans le cadre de visites domiciliaires, à la demande d’un médecin ou d’un directeur de Pouvoir Organisateur public ou dans le cadre de visites obligatoires de lieux publics, à définir dans le cadre règlementaire wallon.
Pour rappel, la mission actuelle des SAMI repose sur l’aide au diagnostic médical en cas de problème de santé Il doit donc être envisagé d’établir une distinction claire entre la notion d’aide au diagnostic et celle d’inspection/contrôle, tel que souhaité par l’avant-projet de décret.
Chapitre II
L’AW se félicite des mesures prévues concernant la préservation de la qualité de l’air (article 3) et l’élaboration d’un guide usuel de bonnes pratiques pour diagnostiquer et améliorer la qualité de l’air intérieur (article 5). Ces propositions avaient, en effet, déjà été formulées par les provinces.
Il serait, cependant, opportun de préciser les missions de l’observatoire wallon de la qualité de l’air tel que présenté à l’article 5§2. Cet observatoire traitera-t-il de l’air ambiant intérieur et extérieur ?
Chapitre III
Section 1
Art 6 :
II convient de préciser les destinations et les fonctions retenues par les bâtiments publics et privés visés à la section 1. Il s’agit, en outre, de s’assurer que ceux-ci ne sont pas régis par d’autres normes comme celles de la Fédération Wallonie — Bruxelles pour les écoles et les crèches.
Art 7 :
Parmi les organismes biologiques cités, nous constatons que les moisissures et les acariens apparaissent bien dans le texte. Cependant, les légionelles ne sont pas reprises alors que, au même titre que certaines moisissures à l’origine d’infection pulmonaire (Aspergillus fumigatus, …), la source d’exposition est environnementale (absence de transmission inter-humaine). Vu les conséquences sanitaires de cet agent pathogène issu de l’environnement, nous estimons qu’il doit figurer dans la liste des organismes biologiques qui font l’objet de valeurs guides et d’intervention.
Section 2
Art 8 § 1 :
Le texte prévoit que toute demande soit motivée par un avis médical.
La démarche est adéquate pour les logements privés ou publics. Il s’agit de la procédure actuelle d’intervention des SAMI – LPI. Cependant, cette procédure doit être davantage précisée pour les lieux publics. Il serait, en effet, opportun de lister le type de médecins susceptibles d’introduire une demande d’évaluation selon le type de lieu (ex : médecins scolaires pour les écoles, médecins de l’ONE pour les crèches).
Et plus particulièrement les crèches et les écoles, où il nous parait plus opportun que les visites soient systématiques, cela garantirait que tous ces lieux soient évalués au niveau des pollutions intérieures (et pas uniquement ceux qui font l’objet d’une demande d’un citoyen). Cela éviterait les demandes de convenance et les demandes multiples pour le même établissement et permettrait, en outre, d’établir un budget précis pour les analyses.
Ensuite, ne pas exiger que toute demande d’intervention d’un habitant pour son logement soit obligatoirement accompagnée d’une demande d’un médecin, constitue un risque potentiel d’effets pervers tel que des sollicitations abusives pour régler des conflits locataires — propriétaires (des mécontentements de parents liés à l’établissement scolaire, …). Cette obligation signifie qu’une demande médicale peut être introduite même en l’absence de problèmes de santé, l’aspect « prévention » étant ici pris en compte.
Enfin, vu l’implication des médecins dans le dispositif, le Conseil National de l’Ordre devrait être consulté sur ce sujet.
Art 8 § 2 :
Tout d’abord, l’APW considère que le texte devrait préciser les pollutions émanant de l’extérieur qui feront l’objet d’une investigation puisque susceptible de contaminer l’intérieur.
Il nous apparaît également opportun de s’interroger sur le dépistage éventuel de radon qui nécessiterait d’associer l’AFCN, seul organisme fédéral compétent en la matière pour émettre des recommandations en cas de constat d’émissions élevées de Becquerel.
Ensuite, il est indispensable de garantir la confidentialité du rapport, celui-ci pouvant comporter des informations d’ordre médical sur le demandeur. Il faut savoir que, actuellement, les SAMI provinciaux ne transmettent leur rapport qu’au médecin demandeur. Ce processus permet, en effet, de garantir une explication par un professionnel de la santé et évite toute mauvaise interprétation.
De plus, vu que le projet de décret prévoit de fournir le rapport d’évaluation tant au demandeur qu’à des tiers, cela signifie que l’on risque de s’orienter vers un rapport de système « checklist » du type rapport de salubrité avec une perte de personnalisation apportée actuellement par les SAMI/LPI provinciaux.
Enfin, en cas de pollution de l’air ambiant à l’extérieur, le Gouvernement procèdera à une investigation et en informera la commune. Nous constatons que cette disposition n’est pas explicite ou suffisamment détaillée.
Art 9 :
Cet article nous apprend que des laboratoires vont être agréés pour le prélèvement d’échantillons et les analyses dans le cadre de la lutte contre la pollution atmosphérique mais aussi pour l’air intérieur.
Actuellement, les SAMI n’ont pas d’agréments. Certaines mesures sont réalisées à l’aide d’appareillages qui permettent des mesures directes. Pour d’autres polluants, des prélèvements sont réalisés sur place et sont soit analysés directement par les SAMI (ex : moisissures, acariens), soit délégués à un autre laboratoire (ex : composés organiques volatils)
Les SAMI disposent, ainsi, d’une expertise technique et scientifique de plus de 15 ans pour les prélèvements d’échantillons et leur analyse des sources de pollutions intérieures à l’habitation. Il serait opportun que ces derniers soient reconnus en tant qu’organismes agréés par la Wallonie pour cette mission spécifique.
L’APW considère donc que ce texte doit identifier clairement les organismes qui seront considérés comme laboratoires agréés. En effet, avant de régler les modalités d’intervention de ces laboratoires, il est primordial que le Gouvernement les identifie.
De plus, est-ce que les « Services d’Evaluation » devront être agréés pour réaliser les prélèvements et les analyses ?
Enfin, l’APW craint que la centralisation des demandes au niveau de l’Administration allonge les délais d’intervention. En effet, pour certaines pathologies, le LPI agit immédiatement car la rapidité de l’intervention contribue à l’amélioration de la santé du patient. De même, le recours à des laboratoires agréés différents en fonction des types de pollution (chimique, biologique, physique) va augmenter le nombre d’étapes
Section 3
Art : 10
Lorsqu’une valeur est dépassée dans un logement avec un risque environnemental et sanitaire, il est prévu que l’Administration en avertisse la commune. Cette disposition nous semble excessive dans la mesure où les propriétaires risquent d’éviter d’introduire une demande de diagnostic par crainte de représailles.
Vu l’implication de l’autorité communale, de quels moyens de contrainte et de contrôle disposera la commune ? Il est également important de préciser qui assumera la prise en charge de ses dépenses éventuelles au niveau communal.
L’APW considère, ainsi, que le simple fait de savoir que le rapport d’évaluation et le plan d’actions seront transmis à une autre autorité et qu’il pourrait donc y avoir des sanctions ou des obligations, dissuadera les citoyens à introduire une demande. Cela s’évèrera donc contre-productif.
Enfin, le texte doit garantir le respect de la vie privée du citoyen.
Art 11 et 12 :
Concernant les plans d’action et l’obligation de remédiation, s’il paraît intéressant d’instaurer un système contraignant pour les lieux publics et pour les biens mis en location, qu’ils soient privés ou publics cela paraît compliqué pour les logements occupés par leur propriétaire.
Il paraît, en effet, inenvisageable pour le service d’évaluation de contraindre un propriétaire à faire des aménagements dans son propre logement. Il est, dès lors, nécessaire de préciser les contours des notions d’obligation et de remédiation.
De plus, toute remédiation entraine un coût qui pourrait pousser le propriétaire à ne pas solliciter le service d’évaluation.
L’instauration d’une notion d’infraction si le plan d’action n’est pas suivi sera, une nouvelle fois, de nature à constituer un frein lors de l’introduction d’une demande.
Il est, par ailleurs, nécessaire de préciser le terme « mesure » qui s’avère ambigu. S’agit-il de mesures à prendre (dispositions d’aménagement, …) ou de mesures à effectuer pour évaluer la concentration en polluants ?
Section 5
Art 14 :
Le texte précise que le gouvernement peut, dans les conditions qu’il détermine, octroyer une aide financière pour couvrir les frais liés à l’évaluation de la qualité de l’air intérieur.
Ceci suppose donc que toute prestation sera payante pour le demandeur.
Pour rappel, les SAMI provinciaux interviennent gratuitement sans participation financière du demandeur. Cela permet d’éviter tout clivage social chez les demandeurs potentiels. Il s’avère, en effet, que, c’est souvent un public précarisé qui est confronté à des problèmes de pollutions intérieures. Cela pourrait donc conduire à une suppression des interventions dans les foyers modestes au sein desquels les enjeux liés à la pollution intérieure sont déterminants pour la qualité de vie.
De plus, l’expérience des SAMI démontre que la gratuité de ce service n’entraîne pas d’abus, la demande médicale étant un pare-feu qui garantit la pertinence de l’intervention.
Nous estimons qu’il s’agit d’une forme de discrimination. Les SAMI souhaitent maintenir leur mission première, qui est une mission gratuite de conseils et d’aide au diagnostic médical.
Il est, en effet, important de garder cette mission sociale et d’aide au diagnostic afin d’éviter une rupture de confiance et une perte de l’image positive d’un service gratuit d’aide au citoyen.
Enfin, en ce qui concerne les écoles et les crèches, il ne semble pas correct que les citoyens doivent payer pour l’évaluation d’un lieu public. C’est à l’autorité de garantir que les lieux où séjournent des enfants respectent les normes de pollutions intérieures.
Conclusion
Pour conclure, l’avant-projet de décret soumis à l’examen a le mérite de poser un cadre général en matière de pollutions intérieures
Cela étant, les arrêtés d’exécution qui seront pris suite à l’entrée en vigueur du décret devront clarifier le rôle et les missions des acteurs de terrain. Il va de soi que si les SAMI/LPI sont associés à ce dispositif, les provinces et l’APW devront impérativement être concertées.
D’autant que cela engendrera inévitablement des coûts en termes de personnel, de matériel et d’analyses qui devront être pris en charge par la Wallonie.