En date du 18 septembre 2020, l’APW a remis, au Ministre De Crem, son avis sur le rapport SAC concernant la Loi du 24 juin 2013 relative aux sanctions administratives communales.
Les considérations que l’Association des Provinces wallonnes estime devoir formuler sur l’évaluation de la loi SAC sont reprises ci-dessous. Les avancées positives (1) et les pistes d’amélioration (2) ont été dégagées en étroite collaboration avec les Fonctionnaires sanctionnateurs provinciaux.
1 – Avancées positives
- Un outil efficace
À l’unanimité, les Provinces wallonnes ont souligné le caractère efficace de l’application de la loi SAC dans le cadre de la lutte contre les incivilités.
Cette efficacité est notamment reflétée dans les statistiques démontrant que la majorité des dossiers aboutit à des sanctions administratives, qu’elles soient pécuniaires ou non.
Concernant les sanctions non pécuniaires, la médiation et la prestation citoyenne sont très efficaces, notamment pour les contrevenants sans ressources financières, à la condition que le consentement soit accordé. Ces mesures alternatives permettent la résolution des conflits tout en encourageant la conscientisation de l’auteur de l’infraction.
Notons également que le nombre croissant de dossiers par an et le faible taux de récidive sont de bons indicateurs du succès de la procédure.
Si les SAC sont efficaces, c’est également dû au traitement rapide du fait infractionnel. Grâce au délai limité entre l’infraction et la sanction (6 mois), l’amende administrative est une réponse permettant un traitement beaucoup plus rapide que la voie judiciaire et une diminution du sentiment d’impunité.
- Une procédure éducative et non stigmatisante
Au-delà de la sanction, les SAC permettent de ramener les valeurs éducationnelles, le respect du vivre ensemble et du sens civique, au cœur de la réponse à l’action du contrevenant.
En outre, l’application de la loi SAC a pour vertu de ne pas confronter le contrevenant à un tribunal pénal. Eu égard au caractère purement administratif de la procédure, la sanction infligée ne sera pas rattachée à une quelconque mention dans son casier judiciaire.
- Une alternative à la politique du classement sans suite
Un autre avantage de la mise en place des procédures SAC est de participer à la diminution de l’engorgement des parquets. En comparaison avec le traitement par voie judiciaire, d’une part, les coûts de traitement de dossiers sont réduits (en termes de ressources humaines mobilisées et de frais de fonctionnement) et, d’autre part, la politique du classement sans suite du parquet est endiguée. Partant de ce constat, le système SAC constitue une économie des deniers publics indéniable.
Notons également que la victime ne sera pas confrontée, par la force des choses, à l’arriéré judiciaire.
- Une justice « de proximité »
Traiter un dossier SAC c’est tenter d’offrir une réponse adéquate à chaque cas d’espèce selon ses réalités territoriales. En ce sens, l’application de la loi SAC permet de disposer de larges moyens d’action pour assurer un traitement « local » du dossier.
- Une possibilité de poursuivre les mineurs
L’APW se positionne de manière favorable à la poursuite des mineurs d’âge à partir de 14 ans.
Même si la procédure est parfois lourde pour des faits peu graves, la mise en place d’une procédure spécifique visant à sauvegarder minutieusement leurs droits est une réussite.
- Un bel exemple de collaboration
Il devient de plus en plus difficile, dans le chef de forces verbalisantes, de maîtriser une matière en constante mutation comme les SAC. En dépit de cela, son application entraîne une collaboration constructive avec les forces de l’ordre.
2 – Pistes d’amélioration
- Une augmentation du montant maximum de l’amende
Comme tout système, l’application de la loi SAC connaît certaines limites et, en ce sens, est perfectible.
A cet égard, l’APW tient particulièrement à mettre en avant le souhait formulé de manière unanime par l’ensemble des Provinces wallonnes portant sur l’augmentation du montant maximum de l’amende. Actuellement fixé à 350 euros, celui-ci n’a, depuis 2013, été ni indexé, ni revu.
Afin d’encourager la proportionnalité entre l’infraction et la sanction, et le caractère dissuasif de l’amende, l’APW sollicite la révision de ce montant à la hausse.
En effet, dans les cas de récidives ou pour certains faits plus graves (coups portés au visage, griffes de carrosserie…), le montant à infliger n’est pas suffisamment élevé, voire dérisoire selon le cas. Celui-ci pourrait être relevé, à tout le moins, à 1.000 euros pour avoir l’effet dissuasif escompté.
D’autant que, en comparaison avec les plafonds d’autres législations, comme en matière d’environnement (100.000 euros) ou en voiries (10.000 euros), on constate aisément le caractère insuffisant de la limite de 350 euros en SAC.
- Une possibilité de requérir des devoirs complémentaires
L’APW tient également à relayer le souhait des Fonctionnaires sanctionnateurs provinciaux d’être en mesure de requérir des devoirs complémentaires.
L’absence de mesures d’instruction dans l’escarcelle des compétences du Fonctionnaire sanctionnateur affaiblit son dossier.
A l’instar de ce qui est prévu pour les infractions environnementales aux termes du décret wallon du 3 mai 2019 (article D.194), le Fonctionnaire sanctionnateur devrait avoir, pour les SAC, la capacité de requérir des devoirs complémentaires tant à la police qu’auprès des agents constatateurs communaux. Une modification de la loi SAC, inspirée du prescrit du décret susvisé, pourrait être opérée sur ce point.
L’avantage d’une telle modification serait d’éviter de contraindre le Fonctionnaire sanctionnateur de dépendre de la bonne volonté des services de police, même si la collaboration est généralement excellente.
- Une possibilité d’assortir la sanction de mesures de sursis, de remise en état, de suspension du prononcé
Dans l’état actuel de la législation, même si cela a été condamné par notre Cour constitutionnelle[1], le Fonctionnaire sanctionnateur ne peut assortir d’un sursis l’amende administrative.
En vue de faire cesser le comportement infractionnel, les mesures de sursis et de remise en état seraient des outils utiles. Tout comme la mesure de suspension du prononcé qui permettrait un meilleur parallélisme entre les procédures SAC et pénales.
Par ailleurs, nous en profitons également pour solliciter la compétence, déjà usitée, de requalifier les faits.
- Une solution contre la disparité
- Dans la poursuite des infractions
La loi SAC a permis un toilettage des règlements généraux de police dont certains articles désuets ont été remaniés.
Néanmoins, en vertu de leur autonomie locale, la Commune peut décider de poursuivre (ou non). On constate donc une disparité dans la poursuite des infractions selon le territoire.
- Dans l’application des mesures alternatives
Cette disparité s’illustre également au niveau du recours à la médiation et à la prestation citoyenne. Pour prendre l’exemple de la prestation citoyenne, elle est très peu mise en œuvre par les Communes car elles n’ont généralement pas de lieux prévus à cet effet, ce qui induit des difficultés opérationnelles. Quant à la médiation, il n’existe pas systématiquement de médiateur SAC compétent au sein d’un arrondissement et toutes les Communes n’ont pas opté pour ce service. Or, la médiation est un outil précieux en ce qu’elle permet à la victime d’avoir une place dans la procédure (trop souvent négligée).
Cela induit une forme d’iniquité entre les Communes qui recourent à ces mesures alternatives et celles qui ne laissent place qu’à une sanction pécuniaire.
- Focus sur les dossiers en matière d’arrêt-stationnement
- Une force probante des PV de police
L’article 62 de la loi sur la sécurité routière dispose qu’un PV de roulage bénéficie en principe d’une valeur probante jusqu’à preuve du contraire.
Or, à l’heure actuelle, le PV de stationnement a une simple valeur de renseignement. Il est donc aisé de contester une infraction, surtout en l’absence de photo annexée au PV.
Dans le contentieux administratif des amendes de stationnement, l’application de l’article 62 fait débat. Cela entraîne un flou juridique ; dès lors, nous estimons utile que la loi SAC puisse conférer une force probante aux PV réalisés en cette matière.
- Un délai plus court pour la réception du PV
L’article 29 de la loi SAC dispose que le Fonctionnaire sanctionnateur adresse, au contrevenant, l’invitation à payer l’amende administrative endéans 15 jours à dater de la réception de la constatation de l’infraction. Toujours dans la loi SAC, l’article 22 énonce que les PV sont transmis dans un délai de deux mois.
Lorsqu’on met en parallèle ces deux articles, on constate qu’il conviendrait de prévoir un timing plus court (un mois maximum) pour une meilleure corrélation des délais. Cela permettrait d’éviter que l’auteur de l’infraction reçoive son invitation à payer plus de deux mois et demi après la constatation des faits.
- Une autorisation explicite d’accès à la DIV aux agents constatateurs
À l’instar de ce qui est prévu pour les Fonctionnaires sanctionnateurs, l’accès à la DIV devrait être garantie aux agents constatateurs pour les aider à rattacher le véhicule à son propriétaire lorsqu’ils sont amenés à identifier l’auteur de l’infraction.
- Une clarification de la notification des décisions par courrier simple (article 29)
Il est souhaitable de mettre un terme à la contradiction qui existe entre l’article 29 qui dispose que « la notification des décisions en matière de stationnement se fait par courrier simple », et l’article 27 qui prévoit un « courrier recommandé » pour notifier les décisions au sens large.
Cette question controversée devrait être clarifiée.
- Focus sur la fonction de « Fonctionnaire Sanctionnateur »
- Une garantie d’indépendance
Si l’indépendance du Fonctionnaire sanctionnateur est prévue par la loi, il nous semble utile que celle-ci soit renforcée.
- Une meilleure protection
Il n’est pas exceptionnel que le Fonctionnaire sanctionnateur se fasse injurié et/ou menacé par les contrevenants. Nous préconisons donc également un renforcement de la protection de sa fonction.
- Une meilleure connotation (réforme de l’appellation de la fonction ?)
Les infractions administratives sont sanctionnées aux termes d’une procédure complexe imbriquant toute une série d’acteurs (policiers, agents constatateurs, avocats, Bourgmestres, Fonctionnaires sanctionnateurs…).
En conséquence, le traitement du dossier est souvent confus dans le chef du citoyen qui comprend difficilement la place du Fonctionnaire sanctionnateur dans le processus.
Le Fonctionnaire sanctionnateur exerce des missions qui ne sont pas respectées comme celles de l’ordre judiciaire. De surcroît, l’appellation de la fonction « Fonctionnaire sanctionnateur » a une connotation négative alors qu’il ne lui incombe pas uniquement de « sanctionner » étant donné qu’il peut décider de ne pas infliger d’amende, de proposer une mesure alternative plus éducative ou de se limiter à un avertissement.
Pour toutes ces raisons, nous souhaiterions entamer une réflexion pour éventuellement adapter l’appellation de la fonction.
[1] C.const., 23/04/2020, n056/2020.