En mai 2017, l’APW a émis un avis au Ministre des Pouvoirs locaux, Monsieur Pierre-Yves Dermagne, concernant l’avant-projet de décret modifiant certaines dispositions du Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation visant à encadrer la gouvernance et l’éthique en Wallonie. Le voici.
Tout d’abord, l’APW tient à remercier le Ministre d’avoir sollicité son avis sur ce dossier et émet le souhait que les remarques ainsi formulées puissent être prises en considération et intégrées dans la version qui sera soumise en deuxième lecture au Gouvernement wallon.
Dans ce cadre, elle indique qu’il nous serait utile de pouvoir disposer des textes amendés suite aux avis des organes consultatifs compétents.
Par ailleurs, notre association n’entend pas formuler d’avis spécifique sur les trois projets de décrets suivants :
- l’avant-projet de décret modifiant certaines dispositions de la loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976 visant à encadrer la gouvernance et l’éthique en Wallonie ;
- l’avant-projet de décret modifiant certaines dispositions du CDLD visant à encadrer la notion d’empêchement ;
- l’avant-projet de décret modifiant certaines dispositions de la loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976 visant à encadrer la notion d’empêchement (cependant, il est à noter qu’il doit être fait référence à l’article 22 de la loi CPAS et non à l’article 23).
Remarques générales
L’Association des Provinces wallonnes (et, à travers elle, les provinces) souscrit pleinement à l’objectif visé par le Gouvernement wallon de faire de notre Région un « modèle de bonne gouvernance », même si l’on peut estimer que cette réforme aurait pu, ou dû, intervenir en amont de l’actualité.
En effet, les provinces ont déjà subi une valse de réformes spécifiques à l’institution :
- le décret spécial du 13 octobre 2011 modifiant certaines dispositions du CDLD en matière de composition des Collèges et des Conseils provinciaux qui a réduit, de façon importante, le nombre d’élus provinciaux à l’occasion du renouvellement intégral des Conseils provinciaux en octobre 2012;
- le décret du 16 mai 2013 modifiant certaines dispositions du CDLD en matière de gouvernance provinciale. Ce texte et ses arrêtés d’exécution visaient à :
- limiter les dépenses de fonctionnement des Collèges et des Conseils provinciaux ;
- encadrer les communications des membres des Collèges provinciaux et du Président du Conseil provincial ;
- encadrer les missions à l’étranger des Collèges et des Conseils provinciaux.
Comme notre Association l’indiquait dans son avis du 19 novembre 2012, « elle regrette que les textes proposés ne visent que les provinces alors que ces règles de bonne gouvernance devraient concerner tous les pouvoirs et organismes locaux et supra-locaux : villes et communes, CPAS, intercommunales, organismes d’intérêt public… ».
Par conséquent, des redondances avec ces textes apparaissent dans le projet de décret soumis à examen.
Ainsi, des sanctions pécuniaires sont ici proposées en cas de défaut de participation des Présidents, Vice-présidents et membres du bureau exécutif qui perçoivent une rémunération. Or, cette mesure est déjà prévue à l’article L2212-7 du CDLD, suite à l’application du décret dit de « déontologie », pour les fonctions spéciales en ce qui concerne les provinces.
Un autre exemple sera explicité ci-après, dans les remarques spécifiques liées à l’article 33, dont les dispositifs sont d’ores et déjà d’application dans les provinces.
Il est également interpellant de constater que le projet de décret entend mettre sur le même pied d’égalité l’ensemble des structures locales, sans distinction aucune, qu’il s’agisse des communes et provinces, composées d’élus directs et donc soumises au contrôle démocratique tous les 6 ans, ou d’autres organismes telles que les associations ou autres intercommunales.
Par ailleurs, et même si l’intention du Gouvernement wallon est honorable, les solutions proposées s’inscrivent dans une dynamique de contrôle systématique qui impose à l’Administration provinciale une mobilisation toujours plus importante de ses ressources humaines à des tâches de contrôle et de recensement fastidieuses au détriment de l’exercice de ses missions propres.
Notons, enfin, que le texte ajoute une série de nouvelles règles sans analyse et évaluation des procédures internes de contrôle existantes. De même, aucune disposition n’évoque le traitement qui sera réservé par la Région wallonne aux contraintes nouvellement imposées en matière de déclarations et de rapports.
Remarques spécifiques
Article 9
Le paragraphe trois contient désormais l’obligation, pour le Comité de rémunération, d’établir un rapport de rémunération annuel. Ce dernier sera transmis à la Province mais quelles seront ses prérogatives ? Quelle suite doit-elle réserver à ce rapport ? Est-ce une simple communication au Conseil provincial ou ce dernier a-t-il la faculté d’émettre des remarques ?
Article 20
Cet article complète et précise certaines définitions.
Il serait utile de définir ce qu’est une « asbl provinciale » : doit-elle être créée par la Province ? Avec une participation provinciale majoritaire, avec uniquement des représentants provinciaux… ?
En sus, en ce qui concerne la définition du jeton de présence (formulée en ces termes : « rémunération accordée au membre d’un organisme siégeant lors d’une réunion d’un organe de gestion, en raison de sa présence et de sa participation à cette réunion »), il serait opportun de clarifier le terme « participation » et comment la contrôler. Il conviendrait également d’ajouter qu’un seul jeton de présence par jour peut être octroyé par personne et par organisme.
Le présent article instaure également une forme de reporting à charge du Directeur général provincial/communal envers l’organe de contrôle. Il serait souhaitable que la Région communique un modèle commun à utiliser pour ce faire.
Article 33
L’article 33 introduit une série de nouveaux articles dans le CDLD, notamment l’article L6431-1 régissant les règles de publicité des débats et de transparence au sein des organismes locaux et supra-locaux.
Les nouvelles dispositions qui figurent aux paragraphes 2 à 5 dudit article sont redondantes avec d’autres articles du CDLD tels que :
- L2212-33 § 1: « Aucun acte, aucune pièce concernant l’Administration provinciale ne peut être soustrait à l’examen des Conseillers provinciaux ». §2 : « Les Conseillers provinciaux peuvent consulter les budgets, comptes et délibérations des organes de gestion des intercommunales, asbl et associations qui ont, avec la Province, un contrat de gestion » ;
- L2212-34 : « Les Conseillers provinciaux peuvent visiter tous les établissements et services créés et gérés par la Province » ainsi que les intercommunales, asbl et associations qui ont, avec la Province, un plan ou un contrat de gestion ;
- L1523-13 §2 : prévoit également ces droits de consultation et de visite pour les Conseillers provinciaux/communaux en ce qui concerne les intercommunales.
De plus, dans le paragraphe 7, il est indiqué que « Chaque commune et chaque province publie, sur son site internet : (…) les documents soumis à l’examen du Conseil par l’organisme concerné ». Il conviendrait de préciser de quels documents il s’agit dès lors que le CDLD prévoit uniquement que seuls certains points de l’ordre du jour des assemblées générales des intercommunales ainsi que certaines décisions des Régies provinciales autonomes sont soumis au vote des Conseillers.
Qui plus est, il serait opportun que le Gouvernement wallon propose un modèle de relevé individuel et nominatif prévu dans le nouvel article L6421-1.
Enfin, une discordance apparaît au nouvel article L6434-1 §1 entre le projet de décret et le commentaire des articles.
En effet, le texte de l’avant-projet indique que « Les membres du personnel, contractuels ou statutaires, des ASBL communales, provinciales, régies autonomes, intercommunales, associations de projets ou autres organismes supralocaux :
- (…) ;
- Rétrocèdent, à l’organisme qui les a payés, les jetons de présence, rémunérations ou autres avantages perçus en raison de leur participation aux réunions d’organes dans des entités où ils siègent suite à une désignation expresse ou en raison de la représentation de leur organisme. »
Quant au commentaire des articles, il stipule que : « Les éventuels jetons de présence, rémunérations ou autres avantages qu’ils percevraient pour leur participation, pour le compte de l’organisme qui les emploie, sont rétrocédés à ce dernier.
L’hypothèse qui apparait la plus logique serait la rétrocession, par les membres du personnel, à l’organisme qui les emploie.
Article 38
L’entrée en vigueur du décret est fixée au 1er janvier 2018 (excepté les articles 20 et 21).
Les articles 17 et 18, qui ajoutent une incompatibilité à la fonction de Député provincial et à la fonction de Président du Conseil provincial, entreront en vigueur à l’occasion du prochain renouvellement des Conseils provinciaux. Toutefois, le projet de décret spécifie que « toute nouvelle situation, qui serait contraire à la teneur desdites modifications, est interdite entre la date de publication au Moniteur belge du présent décret et la date dudit prochain renouvellement des Conseils communaux et provinciaux ».
Dès lors, un élu qui se trouverait dans une situation d’incompatibilité préexistante à l’entrée en vigueur du présent décret ne serait pas contraint de démissionner avant le renouvellement du Conseil provincial, tout en sachant que, en cas de réélection, un choix devra être opéré entre le mandat et la fonction incompatible.
Ainsi, n’eut-ce pas été plus judicieux de fixer l’entrée en vigueur du décret lors du renouvellement des Conseils provinciaux et, à fortiori, du renouvellement des mandats dérivés attribués par les autorités provinciales ?
Remarques de forme
- A l’article 33 (disposition L6411-1, alinéa 2), les termes « toutes personnes morales de droit public ou privé » sont à mettre au singulier.
- La révision du CDLD peut mettre à profit un toilettage permettant de remplacer les termes « greffiers provinciaux » par « Directeurs généraux » (exemple : L1125-1).