Le 18 août 2017, l’APW a remis un avis sur le projet modifié de circulaire relative à l’élaboration des budgets provinciaux pour l’année 2018.
Le texte initial ayant subi quelques modifications suite au changement de Gouvernement, l’APW a estimé devoir émettre un avis complémentaire préalable au passage en Gouvernement wallon annoncé le 24 août prochain.
Réforme de l’institution provinciale et Gouvernance
L’APW ne peut que se réjouir de la volonté de concertation inscrite dans le document et apportera son concours aux travaux à venir. Pour ce faire, il est indispensable d’élaborer une méthodologie de travail concertée entre les différents acteurs engagés dans la réforme.
La Déclaration de Politique régionale suscite, de manière tout à fait légitime, des inquiétudes dans le chef des agents provinciaux même si la garantie du maintien de l’emploi a clairement été annoncée. Les provinces ne manqueront pas de rassurer leur personnel sur base des mesures concrètes que prendra le Gouvernement wallon.
Financement contrat de supracommunalité
La nouvelle circulaire a intégré la demande de notre Association de supprimer l’obligation de verser directement aux communes les 10 % de la dotation au Fonds des provinces pour la prise en charge des dépenses liées à la mise en place des zones de secours.
Il s’agissait, en effet, d’une volonté forte des provinces de pouvoir intervenir directement vers les zones. Cela induit que le versement du solde de la dotation n’est plus conditionné par cette obligation.
Dans le même esprit que pour le volet précédent, et de par son expertise, l’APW souhaite pouvoir amener son concours à l’élaboration de la circulaire spécifique annoncée dans le courant du second semestre 2017.
Dépenses de personnel – la cotisation de responsabilisation
Le transfert de la charge de la cotisation de responsabilisation de l’exercice N+1 à l’exercice N va impacter l’équilibre de l’exercice propre des provinces et celui-ci sera d’autant plus difficile à atteindre.
L’APW note que les communes rencontrent également cette difficulté. Il va de soi que, si le Gouvernement wallon devait décider de mettre en place un mécanisme d’accompagnement de la mesure pour soulager les finances locales, celui-ci devrait s’appliquer à l’ensemble des pouvoirs locaux.
La fiscalité provinciale
L’APW souhaite attirer l’attention du Gouvernement, d’une part, sur le nécessaire respect des normes supérieures qui assurent aux pouvoirs locaux le bénéfice d’une autonomie fiscale et, d’autre part, sur l’importance de ne pas amputer les ressources des provinces au risque de compromettre la stabilité structurelle des budgets nécessaire au maintien de la qualité des services rendus, du personnel et des investissements en cours.
Relativement au « gel fiscal », l’APW entend le souhait émis par le Gouvernement wallon eu égard au projet de réforme inscrit dans la DPR.
Toutefois, elle estime nécessaire d’apporter les commentaires suivants :
1- Consciente de la nécessité de moderniser son paysage institutionnel, la Région wallonne a ouvert, depuis plus de 15 ans, quelques chantiers importants concernant notamment les provinces et la fiscalité pratiquée par celles-ci.
Des dispositions spécifiques peuvent assurément, dans ce cadre, prévoir certaines restrictions à l’autonomie du pouvoir décentralisé mais tant le législateur wallon que le Gouvernant wallon, en sa qualité d’autorité de tutelle, doivent rester attentifs au fait que ces recadrages successifs ne peuvent avoir pour conséquence de transformer la notion constitutionnelle d’intérêt provincial en coquille vide et, de ce fait, de violer l’article 162 du pacte fondamental.
En ce qui concerne l’autonomie dont disposent les pouvoirs locaux dans l’établissement de l’impôt, le Conseil d’état, dans un arrêt de principe du 24 mai 2002 (n°106.994), a ainsi décidé que :
«…le pouvoir fiscal des communes participe de l’autonomie que leur a reconnu le Constituant;
Qu’il en résulte que l’autorité de tutelle ne peut, sous le couvert de l’intérêt général, imposer aux communes une obligation que la Loi ne leur impose pas sans indiquer concrètement, dans chaque cas d’espèce et après une appréciation individuelle, les motifs spécifiques qui justifient cette exigence ;
Que l’intervention de l’autorité de tutelle ne peut conduire à un automatisme dans l’application de normes à des situations individuelles. »
La volonté affichée par le projet de circulaire d’imposer une norme de principe en matière de centimes additionnels au précompte immobilier paraît contraire à cette norme constitutionnelle dont les effets ont été rappelés par la haute juridiction administrative.
2- Le Gouvernement wallon restera également attentif aux principes qui fixent les obligations des organes administratifs en matière de motivation des actes qu’ils sont amenés à poser.
Au titre d’une première prescription, les articles 1er et 2 de la loi du 29 juillet 1991 imposent, en effet, une motivation formelle aux seuls actes administratifs unilatéraux de portée individuelle.
Autrement dit, la motivation formelle des actes de portée réglementaire n’est pas requise par cette loi ni, du reste, par une autre loi, tout au moins par une autre loi d’application générale.
Ainsi, notamment, le règlement-taxe d’une commune n’est pas tenu d’être motivé en la forme bien que, à l’image de tout règlement, il le puisse toujours sans y être tenu (voy., à cet égard, C.E., arrêt Mobistar, n° 187.407 du 28 octobre 2008; égal. V. SEPULCHRE, obs. sous C.E., arrêt s.a. Mediapub, n.0 215.929 du 20 octobre 2011, Rev. Dr. comm., 2012/4, pp. 19 à 22 et les réf. citées).
En imposant aux provinces de « démontrer », dans un document distinct destiné à la seule autorité de tutelle, la pertinence du maintien d’un taux de centime additionnel supérieur à 1500, le projet de circulaire semble déplacer, en contradiction avec les dispositions légales précitées, l’obligation de motivation à laquelle elle est, en effet, seule tenue si et dans la mesure où elle décidait, après une appréciation individuelle, d’annuler le règlement-taxe adopté par l’organe locale démocratiquement élu et compétent pour l’adopter.
3- Au-delà des contraintes liées à l’application de ces principes généraux qui régissent notre état de droit, le Gouvernement veillera également à ne pas, sous le couvert de l’application à toutes les provinces wallonnes d’un taux de centimes additionnels au précompte immobilier identique, créer, dans les faits, une discrimination importante entre celles-ci.
En effet, une telle norme unique et uniforme n’engendrerait une égalité réelle dans le financement des entités décentralisées qu’à la condition que l’assiette sur laquelle elle doit être appliquée soit la même dans chaque province.
Or, il est notoire que, à l’intérieur du territoire wallon, la valeur d’un centime additionnel varie fortement d’une province à l’autre.
L’analyse ou l’exercice d’un contrôle sur des ressources fiscales dont disposent les entités décentralisées pour mettre en œuvre leurs missions ne peut donc se faire sur la seule base d’un taux d’imposition et une égalité de traitement entre les provinces ne peut être atteinte en appliquant un taux unique au sein de toutes les provinces wallonnes.
4- L’APW insiste, enfin, sur la volonté clairement affichée par l’ensemble des provinces, en concertation étroite avec le pouvoir wallon, d’agir avec une grande modération chaque fois qu’il a été nécessaire de rechercher les moyens financiers indispensables au développement de leurs politiques.
C’est ainsi que ce n’est que lorsque la conjoncture économique et l’ambition minimale de maintenir la qualité des politiques qu’elles entendent mener ont rendu la chose absolument inévitable que certaines provinces ont décidé de porter le taux des centimes additionnels au précompte immobilier au-delà du chiffre faussement symbolique de 1500.
Ces taux supérieurs à 1500 sont pratiqués, depuis plusieurs années pour certaines provinces wallonnes, sans avoir été contestés par l’autorité de tutelle dès lors qu’ils respectent manifestement la capacité contributive des citoyens des territoires concernés qui bénéficient d’un juste, immédiat et direct retour de cette charge grâce aux services qui leur sont rendus par les services provinciaux.
Si une augmentation de la pression fiscale moyenne sur le contribuable a été générée par l’application de ces augmentations de taux, il faut rappeler que celle-ci a été partiellement compensée par la suppression des multiples taxes, maintenant ainsi, sur l’ensemble du territoire wallon, une pression fiscale provinciale très raisonnable.
La fiscalité qui est liée au précompte immobilier, à l’inverse de certaines taxes en vigueur jadis, s’appuie sur un plus grand nombre de contribuables et allège, dès lors, la part contributive de chacun tout en restant par ailleurs proportionnée au patrimoine immobilier détenu par chaque contribuable.
Amputer un pouvoir public local d’une importante partie de ses ressources par une réduction drastique et immédiate des prélèvements fiscaux auxquels il est en droit de procéder constituerait, en outre, une sérieuse menace pour l’avenir des politiques qu’il a choisi, démocratiquement, de mener.
Or, les provinces, en tant qu’entité publique décentralisée et dans le respect du principe de subsidiarité, ont le devoir d’assurer la continuité des actions développées par leurs services dans le cadre des axes prioritaires déterminés à la demande du pouvoir wallon et ce, en ce qu’elles participent à la satisfaction des besoins exprimés par leur destinataires.
Les provinces wallonnes entendent mener à bien, au cours de cette législature et depuis l’entame de celle-ci, des projets d’envergure dont la plupart ont bien sûr débuté et devront être financés jusqu’à terme, ce qui suppose le maintien des ressources utiles et nécessaires à cette fin.
Il s’agit aussi, pour chaque province, de poursuivre une politique solide d’entretien de son patrimoine immobilier sachant qu’un effort de rationalisation et donc d’économies d’échelles a eu lieu au cours de la précédente législature et se poursuivra dans le futur.
Au-delà de la politique d’investissement au niveau des services, la législature 2012-2018 s’inscrit résolument aussi et à la demande de la Wallonie dans la poursuite du développement, par les provinces, d’une politique de partenariat avec les pouvoirs locaux que sont les communes et les intercommunales avec, pour objectif commun, le développement territorial durable à l’échelon provincial au bénéfice de tous les citoyens et acteurs de terrain.
Les difficultés financières croissantes des pouvoirs locaux rendent, en effet, de plus en plus difficile le développement de politiques supracommunales, y compris dans leurs domaines de compétences propres.
La poursuite d’une telle politique demande des moyens à la hauteur des ambitions pour notre territoire. Ces moyens sont à la fois d’ordre financier et d’ordre humain.
Il s’agit de développer des compétences en interne, ce qui suppose, notamment, une intensification de la politique de formation continuée du personnel, tant en interne qu’au profit des pouvoirs locaux
Sur le plan humain, les provinces ont entendu favoriser non seulement le maintien de l’emploi mais également la qualité de cet emploi, avec un niveau d’emploi statutaire élevé, répondant ainsi aux recommandations de la Région wallonne.
Nonobstant le développement de ces politiques ambitieuses, les provinces ont entrepris et réussi, plus que tout autre niveau de pouvoir sans doute, à maintenir sur le long terme la stabilité actuelle de leur charge de dette, s’inscrivant ainsi dans la droite ligne des exigences formulées par l’U.E. en la matière.
Si la dotation du Fonds des provinces et une utilisation optimale du potentiel de subsides qu’offrent les pouvoirs européens, fédéraux, communautaires et régionaux sont des éléments essentiels du financement, force est cependant de constater que la fiscalité constitue le mode de financement autonome reconnu à la province pour se doter des moyens financiers nécessaires au développement de ses politiques.
Le maintien de celle-ci dans ses normes actuelles tout en respectant le gel fiscal réclamé paraît donc indispensable à assurer le bon fonctionnement des services publics provinciaux wallons.