Avant-projet de décret relatif à l’usage du COVID Safe Ticket et à l’obligation du port du masque

Ce lundi 18 octobre 2021, l’APW a rendu, au Ministre Collignon, son avis sur l’avant-projet de décret relatif à l’usage du COVID Safe Ticket et à l’obligation du port du masque.

À propos du COVID Safe Ticket (ci-après « CST »)

Afin d’anticiper d’éventuels doutes concernant la portée de cette imposition du CST, il conviendrait que plusieurs questions liées au champ d’application soient clarifiées.  

L’avant-projet de décret ne précise pas si les restaurants d’entreprise et cafétérias ouverts (ou non) au public rentrent dans le cadre fixé pour les établissements de l’HORECA.

Il existe aussi des établissements qui accueillent des activités socio-culturelles tout en proposant des services HORECA (par exemple, les centres d’hébergement : les règles applicables sont-elles celles des restaurants sociaux ou des établissements culturels ?).

Au niveau scolaire, quid des cantines ? Quant aux excursions et voyages, l’école sera-t-elle considérée comme organisatrice d’événements de façon à pouvoir vérifier le CST avant le départ ? La question se pose également lors de visites de parents en Service résidentiel pour les jeunes. Il serait dommageable et incohérent pour les enfants qu’ils ne puissent pas voir leurs parents au sein du service alors qu’ils sont en contact avec eux au domicile lors de visites (encadrées ou non). N’est-il pas possible d’introduire une dérogation pour les visites cadrées par un accord SAJ/SPJ en justifiant que la visite se fera dans un local prévu et que le visiteur (parent) sera amené à ce local le plus rapidement possible avec port du masque ?

Est-ce que les IMP font partie des « établissements de soins résidentiels pour personnes vulnérables » dont question à l’article 5 ? Dans l’affirmative, il faudrait imposer un CST et le port du masque pour les visiteurs (famille et proches).

Lorsque des animateurs provinciaux (vacataires ou non) font des animations dans des établissements fréquentés par des personnes vulnérables, sont-ils considérés comme de simples visiteurs avec obligation de présenter le CST ou assimilés à du personnel de soin extérieur (assimilé à du personnel interne et donc non soumis au CST) ?

À la lecture de ces quelques exemples, on comprend aisément que, en ces nombreux lieux, énumérés de manière non exhaustive, le champ d’application du texte est à préciser.

En revanche, pour les événements et activités aérés ou organisés par la Province (ou auxquels elle participe), nous prenons note avec satisfaction qu’ils ne semblent pas soumis à l’obligation du CST. Cela permet d’éviter qu’une atteinte disproportionnée soit portée à deux principes fondamentaux qui guident la gestion du personnel provincial appelé à organiser, gérer ou participer à ces événements, autrement que comme « visiteurs ». Le premier principe est le respect du droit au travail et l’obligation imposée à tout employeur de permettre au travailleur de fournir les prestations prévues dans son statut ou son contrat ; le second principe tient dans l’obligation faite à l’employeur de respecter la vie privée du travailleur sans le contraindre à lui révéler des éléments qui concernent son état de santé, ne fût-ce qu’à propos d’une mesure de prévention de la santé comme la vaccination.

Quant au contrôle du CST des visiteurs (ou des clients), il est à noter qu’il ne sera pas aisé. En effet, ce contrôle représente une charge de travail qu’il faudra intégrer d’autant que la frustration s’accentuera probablement auprès des personnes non vaccinées. Si le contrôle est nécessaire pour assurer le respect de la mesure envisagée, nous nous permettons d’attirer votre attention sur la charge psychosociale du personnel en charge de ces contrôles. Sans compter que les Provinces ne disposent pas toujours, selon les secteurs d’activités, du personnel pour le réaliser (par exemple, les difficultés d’un contrôle systématique dans les clubs de sports en soirée et le week-end, faute de personnel).

En outre, la question de l’authenticité du CST présenté se pose afin de vérifier la concordance entre la pièce d’identité présentée et le CST. Les contours du contrôle sont, à ce jour, flous : la carte d’identité doit-elle être vérifiée ? Dans l’affirmative, qui a les compétences pour ce faire sans entraver d’autres droits et libertés ? Dans tous les cas, le contrôle conduira manifestement à des situations d’incompréhension, tant dans le chef des gestionnaires que du public. Cette procédure de vérification s’avèrerait indispensable, mais constitue un « acte policier » que nous ne pouvons mettre en application.

Enfin, concernant les moyens du contrôle, il faudrait privilégier les tablettes afin d’éviter l’utilisation des téléphones personnels et prévoir leur financement… En sus des moyens humains, la question des moyens matériel et logistique est à étudier.

A propos du port du masque

L’APW relève une ambiguïté du texte qui, d’une part, impose le CST à certains événements et établissements (article 5) et rend, d’autre part, pour ces mêmes événements et établissements le port du masque obligatoire (article 8, §1er). À titre d’exemple, nous nous interrogeons au sujet des événements et établissements où le CST est de toute façon d’office obligatoire comme l’Horeca. L’article 8 §1, 7° prévoit que le port du masque sera obligatoire dans les lieux suivants : « les établissements et les lieux des activités HORECA, sauf pendant qu’ils mangent, boivent ou sont assis à table ou au bar ». Une clarification serait bienvenue (quid des personnes qui se déplacent sans masque au motif d’avoir un gobelet à la main ?).

En outre, qu’en est-il du personnel provincial évoluant dans des espaces de travail dont la sécurité est garantie par une distanciation sociale suffisante ou des moyens de séparation physique (tel un écran par exemple) ? Doivent-ils porter un masque à tout moment également ? L’avant-projet de décret ne le précise pas. L’article 8 §3 dispose que « le masque (…) peut être enlevé occasionnellement pour manger et boire (…) ». A l’instar de nos observations sur le port du masque dans les établissements HORECA, ce texte nécessite plus de clarté.

Par ailleurs, notre attention se porte tout particulièrement sur les implications du texte en projet à l’égard des modalités de réunion des Conseils et Collèges provinciaux. En effet, le port du masque est imposé à toute personne, au-delà de 12 ans, quel(le) que soit la raison ou le titre justifiant sa présence dans les « locaux accessibles au public des administrations publiques et associations » (article 8, §1er, 15°). À la lecture dudit article, le port du masque s’imposerait lors des réunions des Conseils provinciaux (même lorsque les élus et le personnel administratif qui les assistent sont assis) étant donné que le local appartient à une administration publique et doit être accessible au public (article L.2212-15 CDLD).

Il nous paraît que cette obligation nuit à la facilité d’expression orale des Conseillers, aux débats et/ou à la clarté des propos exprimés à l’occasion de ceux-ci et devrait, dès lors, être réduite et mieux proportionnée au risque sanitaire réel. Nous suggérons que l’obligation cesse, à l’instar de ce qui est prévu pour les établissements HORECA, lorsque les personnes présentes sont assises. De la même manière, et conformément à la philosophie générale du texte qui est de mesurer une jauge au regard d’une réalité effective observée et non d’une capacité théorique[1], l’obligation du port du masque ne devrait plus être applicable lorsqu’il est constaté que, nonobstant le caractère public de la réunion, aucun visiteur, au sens de l’avant-projet de décret, n’y est présent.

Nous relevons également qu’il est difficile de se prononcer sur la définition d’un « établissement relevant des secteurs culturels, festif et récréatif » en raison d’une absence de définition. L’exposé des motifs renvoie à un accord de coopération daté du 27 septembre dernier se bornant à faire référence à un accord du 14 juillet dont le contenu est extrêmement riche mais, sauf erreur (vu la densité), ne fait aucunement référence à la définition desdits établissements.

L’avant-projet de décret n’aborde pas clairement la question des sites récréatifs proposant des activités tant d’extérieur que d’intérieur. Nous pensons notamment aux parcs d’attractions, aux exploitations de bateaux sur un site classé au Patrimoine, aux sites naturels intégrant des musées ou endroits couverts. En fonction de l’endroit où se trouve les visiteurs, l’organisateur ou le gestionnaire devra-t-il adapter les mesures ? Cette piste impactera nécessairement le bon fonctionnement des sites récréatifs et risque de provoquer de la confusion dans le chef des visiteurs. Faut-il privilégier l’application d’une seule mesure globale pour tout le site ? Pour ces sites récréatifs « mixtes », nous estimons que les dispositifs hybrides sont le plus souvent incompréhensibles, voire dangereux pour qui ne comprendrait pas la portée des textes.

Quant aux bibliothèques, celles-ci sont soumises au port du masque et pas au CST sauf si elles organisent des activités culturelles et récréatives dans leurs locaux. Comment expliquer aux lecteurs que certains doivent porter un masque sans autre forme de contrôle alors que d’autres (ceux qui assisteront à une autre activité culturelle) devront présenter un CST mais pourront enlever leur masque ?

Enfin, le projet de texte ne règle pas la question des enseignants lorsqu’ils donnent cours. Actuellement, ceux-ci peuvent faire tomber le masque lorsqu’ils professent si la distance physique est suffisante. Nous recommandons que le texte reprenne cette règle.

À l’instar du contrôle du CST, la question du contrôle du port du masque se pose également. En vue de faciliter le travail des fonctionnaires sanctionnateurs ou des agents constatateurs, il conviendrait d’éclaircir la question du contrôle, notamment sur la désignation de ces agents.

En conclusion, de très nombreuses questions demeurent tant au niveau du CST qu’à l’égard de l’obligation du port du masque. Si chacun des services semble envisager la mise en pratique de ces nouvelles mesures si elles devaient être votées, tous mettent en évidence les difficultés de leur mise en œuvre en fonction de la réalité de terrain spécifique à chaque secteur d’activité. Les obligations doivent être clarifiées afin d’assurer une application homogène du texte en projet.

[1] Sur la question de la « capacité », des précisions sont également souhaitables. À l’article 2, 5° : qu’entend-on par « au regard de la capacité de l’espace concerné » ou, en page 5, la « capacité théorique du lieu » ? Faut-il comprendre la capacité de contenance prévue par les mesures de sécurité déterminées par les services incendie (1 personne / m²) ou doit-on tenir compte de la mesure COVID 19 « 1 personne / 10 m² » ?