En novembre 2016, l’APW a remis un avis au Ministre des Pouvoirs locaux, Monsieur Paul Furlan, concernant l’avant-projet de décret portant diverses mesures relatives aux pouvoirs locaux. Le voici.
Cet avant-projet de décret comprend une série de modifications telles que la création d’une tutelle régionale pour les zones de secours, la modification du taux d’intérêt en cas de retard de payement des taxes communales et provinciales, la mise en place d’une tutelle d’approbation pour les règlements relatifs aux tarifs et redevances, … qui sont susceptibles d’influencer la gestion et les finances des provinces.
L’APW remercie donc le Ministre de l’avoir sollicitée sur ce dossier et émet le souhait que les remarques ainsi émises puissent être prises en considération et intégrées dans la version qui sera soumise en deuxième lecture au Gouvernement wallon.
Dans ce cadre, il nous serait utile de pouvoir disposer des textes amendés suite aux avis des organes consultatifs compétents.
Remarques spécifiques
Articles trois et dix : ce premier article habilite le Conseil communal à établir les redevances, tarifs et rétributions. L’exposé des motifs indique que cette disposition était présente dans l’ancienne loi communale mais a été supprimée par la loi du 3 décembre 1984 dans le but de faire sortir les règlements redevances du champ d’application de la tutelle spéciale d’approbation au profit d’une tutelle générale. Toutefois, cette suppression n’avait nullement comme objectif de supprimer l’habilitation octroyée au Conseil communal. L’avant-projet de décret souhaite donc, 32 ans après sa suppression, rétablir cette habilitation au nom de la sécurité juridique.
Il appert que les termes « taxes, redevances et rétributions » ne sont pas clairement définis, ni dans l’exposé des motifs, ni dans le projet de décret. Or, le terme « tarif » semble très général et ne recouvre pas forcément la même notion pour tout le monde.
Qui plus est, l’article 77 5° de l’ancienne loi communale englobait seulement « les tarifs relatifs à la perception du prix de location des places dans les halles, foires, marchés et abattoirs, et du stationnement sur la voie publique, ainsi que des droits de pesage, mesurage et jaugeage« . A première vue, le terme tarif usité dans l’avant-projet a une portée plus large, ce qui peut poser problème et être excessif dans certains cas.
D’autant plus que l’article 10 soumet les règlements relatifs aux tarifs et rétributions à la tutelle d’approbation. Il est quelque peu exagéré de soumettre tout tarif à cette tutelle d’approbation (cela peut même recouvrir le prix des consommations d’une cafétéria d’un domaine provincial).
A la lecture de la partie de l’exposé des motifs se rapportant à ces articles, on ne comprend pas très bien la logique entre le rappel des dispositions de la loi du 3 décembre 1984, qui exclut les règlements redevances de la tutelle d’approbation, et l’article 10 qui prévoit de soumettre les tarifs, redevances et rétributions à ladite tutelle.
Article 4 : celui-ci stipule que les règlements fiscaux communaux seront mis en ligne sur le site des communes ; l’affichage sera toujours possible mais celui-ci sera sans effet sur la force obligatoire du règlement. Ledit article insère des mentions minimales que la publication devra comporter (date d’adoption, préambule, date de publication,…).
Or, ces mentions, a minima, ne sont pas prévues dans l’article L2213-2 du CDLD qui concerne la publication sur Internet des règlements fiscaux provinciaux. Il serait préférable d’harmoniser ces deux dispositions.
Article 8 : l’avant-projet de décret entend autoriser une délégation de compétence relevant de la tutelle de la part du Gouvernement wallon au profit du Directeur général de la Direction générale opérationnelle des Pouvoirs locaux, de l’Action sociale et de la Santé.
Il n’est pas acceptable que la tutelle sur des décisions du Conseil provincial, qui est une autorité démocratiquement élue, puisse être exercée par un fonctionnaire régional, même si celui-ci est un haut-fonctionnaire, et sans aucune circonscription de ses pouvoirs. S’il y a une volonté de garder cette possibilité de délégation, celle-ci doit être encadrée et ne valoir que dans l’hypothèse d’une violation manifeste de la loi.
Article 11 : l’Association des Provinces wallonnes émet certains doutes sur l’opportunité d’organiser une tutelle régionale en sus de la tutelle fédérale déjà existante sur les zones de secours. En effet, cela engendrerait une certaine lourdeur administrative au sein du fonctionnement de celles-ci, ce qui est, bien sûr, à éviter.
De manière subsidiaire, si l’idée d’une seconde tutelle est maintenue, il y a lieu d’harmoniser les mesures prescrites dans l’avant-projet de décret au regard de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile dans un souci d’éviter l’insécurité juridique qui, inévitablement, en découlerait.
De fait, le délai pour transmission du budget zonal à l’attention du Gouverneur est de 20 jours au fédéral, avec un délai de 40 jours pour statuer (article 134 et 135 de la loi de 2007). Cependant, il est de 15 jours avec prise de décision dans les 30 jours en vertu du nouvel article L3172-1 du CDLD. La computation des délais devrait également être la même, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Au Fédéral, le délai court à partir du lendemain de la réception de l’acte alors que ce délai commence, en vertu de l’avant-projet décret, le jour de la réception de celui-ci. Ces différences ne sont pas explicables et doivent être supprimées.
Article 12 : celui-ci prévoit de modifier le taux des intérêts moratoires dus par les communes et provinces en cas de dégrèvements fiscaux d’une imposition, mais également le taux d’intérêts de retard dus par les contribuables en cas de défaut de payement dans les délais impartis des taxes communales et provinciales.
Actuellement, c’est le taux légal en matière fiscale qui s’applique. Il est fixé à 7 % et ce, depuis plusieurs années. En vertu de ce projet, ce serait remplacé par le taux légal en matière civile qui est à 2,25 % pour l’année 2016.
Ce remplacement pose plusieurs problèmes. En effet, le taux de 7 % est un taux stable et utilisé par l’ensemble des administrations fiscales aux niveaux fédéral, régional et local ; il est donc connu de tous. Le substituer à un taux qui évolue d’année en année présentera des problèmes de sécurité à l’égard des contribuables qui ne bénéficieront plus d’une certaine stabilité et prévisibilité. Ce taux fluctuant posera inévitablement difficultés dans le cadre de remboursement de taxes plusieurs années après le payement, notamment subséquemment à un litige devant les tribunaux.
Si on corrèle le nouveau taux avec l’article 414 §1 du Code d’impôts sur les revenus, stipulant que l’intérêt de retard n’est pas dû si le montant est inférieur à 5 euros par mois, cela reviendrait à circonscrire fortement les hypothèses où les provinces pourraient percevoir des intérêts de retard.
En sus, cette modification entraînera des frais d’adaptation des programmes utilisés par les pouvoirs locaux à cet effet.
Article 13 : actuellement, il est prévu que l’article 1 entre en vigueur le 1er janvier 2016. Nous tenons à souligner que l’effet rétroactif ne doit, en aucun cas, s’appliquer à l’entièreté de l’avant-projet de décret et ce, pour des raisons de sécurité juridique évidentes, notamment par rapport aux nouvelles procédures en matière de tutelle.
Remarque de forme : à la fin de la page 1 de l’exposé des motifs, il est fait référence à un article 37 alors que l’avant-projet de décret se limite à 13 articles.