En août 2016, l’APW a remis un avis à Madame Alda Greoli, Vice-présidente du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et Ministre de la Culture, de l’Enfance et de l’Education permanente, concernant l’avant-projet de décret en préparation relatif à la reconnaissance et au subventionnement des arts de la scène. Le voici.
Cette démarche fait suite à la rencontre que nous avons eue au Cabinet de la Ministre le 27 juin dernier et au cours de laquelle l’APW a eu l’occasion de lui faire part de l’implication des provinces dans le domaine culturel.
Ce secteur d’activités est particulièrement important pour les pouvoirs locaux, et plus spécifiquement pour les provinces, car il permet de garantir un accès de tous à la Culture.
En effet, les provinces investissent des moyens humains et financiers conséquents pour soutenir la création artistique sous toutes ses formes et en assurer la diffusion. Elles soutiennent ou fédèrent les acteurs locaux et, de par leur assise territoriale, garantissent le développement culturel partout en Wallonie.
Les provinces s’inscrivent dans une démarche de partenariat avec la Fédération Wallonie-Bruxelles et souhaitent être davantage associées à toute réflexion relative à l’avenir de ce secteur.
Remarques d’ordre général
Cet avant-projet de décret intègre le secteur théâtre jeune public ainsi que la discipline du conte et ce, afin de renforcer les partenariats, d’accroître les liens avec l’enseignement, de mutualiser, etc.
Cette intégration semblait être une démarche adéquate pour permettre l’harmonisation du secteur, notamment en matière de subventionnements où les différences entre ce que reçoit une compagnie jeune public ou une compagnie de théâtre adulte sont flagrantes. Cependant le secteur jeune public n’est pas certain que l’entrée en vigueur de ce décret va réellement réduire les écarts de subventions puisque, pour l’instant, aucune trajectoire budgétaire n’est clairement définie à cet effet.
Par ailleurs, le secteur jeune public dispose de caractéristiques propres comme, notamment, leur travail de médiation, de diffusion de leurs créations,… Celles-ci devraient être prises en compte dans l’avant-projet de décret et, surtout, être valorisées par un financement adéquat. La Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeunesse a déjà fortement insisté sur ces points.
En matière d’aides, il n’en existera plus que trois types : la bourse, l’aide au projet et le contrat programme. Il n’y aura plus d’agréments pour le théâtre jeune public. De nombreuses interrogations émanent des compagnies qui bénéficient déjà d’un contrat-programme mais également de celles qui ne disposent que des agréments. Ces dernières souhaiteraient être les bénéficiaires exclusives des aides aux projets puisque les conventions sont supprimées dans le futur décret, tandis que celles disposant d’un contrat-programme s’interrogent sur le maintien de leurs subventions actuelles et sur le risque que celles-ci soient réduites. Dans ce cas, pourront-elles bénéficier des aides aux projets ? Le Gouvernement doit communiquer avec le secteur sur ce point pour réduire les craintes exprimées actuellement.
Des prévisions budgétaires claires permettraient également d’éviter certains écueils en matière d’emploi. Sans certitude sur leurs subventionnements, les compagnies risqueraient de faire dépendre les contrats des artistes aux recettes propres possibles et, donc, d’accorder majoritairement des contrats à durée déterminée plutôt qu’indéterminée.
Une place importante est également donnée, dans cette réforme, à la simplification quant à l’accès aux aides pour les artistes. Ceux-ci pourront ainsi bénéficier de soutien sans devoir être freinés par des démarches administratives ou sans passer par la création de structures lourdes. Corrélativement, les aides seront plus « mobiles » entre les opérateurs, ce qui entrainera une complexification du travail artistique à long terme.
Remarques particulières
Définitions (art. 1) :
- Emploi artistique : la définition proposée est relativement floue. Telle qu’édictée actuellement, il ne sera pas possible de dégager des chiffres exacts sur l’emploi réel car l’avant-projet permet de valoriser, en sus de l’emploi en tant que tel (défini par l’ONSS), le salaire des techniciens, les titres-repas, les assurances, les indemnités, les facturations,… Il est à noter que des chiffres d’emplois réels sont déjà vérifiables via l’accès Internet de la déclaration multifonctionnelle et générés à partir des seules déclarations ONSS.
- Jeune public : la définition du théâtre jeune public ne devrait pas se circonscrire uniquement à une limite d’âge.
- Absence de définition concernant les personnes physiques qui peuvent être considérées comme exerçant une activité artistique : une définition de ces personnes pourrait alléger les problèmes administratifs des artistes lors du renouvellement de leur statut social.
Les recettes propres (art. 1 et 32) :
La définition des recettes propres a été modifiée et vise à exclure de celles-ci l’ensemble des aides financières provenant d’une autorité publique. S’il est logique que les recettes de subventions de la FWB (structurelles, aides aux projets, bourses, aides à l’exportation,…), les recettes d’emplois de la Région wallonne et les subsides culturels des provinces, villes et communes ne soient pas englobés dans la notion de recettes propres, cela ne devrait pas être le cas en ce qui concerne les recettes inhérentes aux Tournées Art et Vie, Théâtre à l’école, Art. 27,… Celles-ci doivent être considérées comme des recettes d’activités (et ce, même si une partie est versée à l’artiste). Le maintien de ces recettes sera d’autant plus important quand il s’agira, pour une compagnie, de négocier son taux de recettes propres et le rayonnement de son action artistique.
Par ailleurs, il est prévu de supprimer l’obligation existante d’avoir un minimum de 12,5 % de recettes propres. Il est, en effet, difficile d’arrêter un pourcentage minimal à cause des différences significatives de recettes générées par les activités des opérateurs. À la place, un minimum de recettes propres à atteindre pourra être négocié avec l’opérateur en prenant en compte divers éléments tels que le domaine, la taille, la nature des missions de l’opérateur,…
Cependant, une obligation de taux minimum, même négocié avec l’opérateur, peut se révéler néfaste car, d’une année à l’autre, les recettes peuvent énormément fluctuer pour l’opérateur qui pourrait se voir obliger, pour atteindre son taux minimum, de vendre n’importe quoi à n’importe quel prix plutôt que de penser au développement d’actions, de nouveaux projets artistiques,… Une esquisse de solution serait de planifier un nombre minimum d’activités, de représentations, d’actions corrélé avec une obligation d’équilibre financier au terme du contrat-programme.
Enfin, les coproductions pourront prochainement être considérées comme des recettes propres. Cette mesure favorisera, de fait, les opérateurs ayant beaucoup de coproductions (centres dramatiques, théâtres) mais pas vraiment ceux de billetterie. Or, les coproductions ne sont que de simples mouvements financiers entre partenaires, les vraies recettes générées par l’activité étant celles de la billetterie et les ventes de spectacles. Par conséquent, les chiffres produits ne représenteront pas les activités réelles des structures.
La notion de catégorie (art. 2) :
L’avant-projet de décret prévoit 6 catégories. Chaque opérateur sera classé dans une de celles-ci en fonction de son activité principale. Il apparait que les définitions des catégories « centres scéniques » et « lieux de diffusion » sont peu précises et doivent être affinées. De même, les lieux de diffusions sont aussi régis par le décret relatif aux centres culturels.
Les compagnies de théâtre jeune public et les centres dramatiques jeunes public développent des activités diverses sans forcément les prioriser. Pour eux, s’inscrire dans une unique catégorie pourrait se révéler problématique. Il conviendrait également d’organiser, au sein de chaque catégorie, une modalisation des obligations au regard du domaine concerné ainsi que des moyens financiers y alloués.
L’octroi de bourses (art. 9) :
Le système d’octroi de bourses ne parait pas correspondre à la réalité du terrain. De fait, les délais entre les décisions des instances d’avis et les besoins réels des artistes sont assez longs.
Principes de bonne gouvernance (art. 41) :
Dans cet article, on ne relève pas de critères de fonctionnement qui permettraient de valider le type de gouvernance attendu.
Plus spécifiquement, en matière de théâtre jeune public, les contrats-programmes doivent prendre en compte l’identité des compagnies, notamment en matière de recrutement de l’équipe permanente. La plupart du temps, les artistes du théâtre jeune public sont aussi les administrateurs.
On peut également se poser la question de la proportion qui devra être respectée entre le taux de travail artistique et administratif (jusqu’à présent, la norme en jeune public était d’environ 65 % artistique et 35 % administratif).
En sus, il est important que les compagnies restent autonomes et maîtres de leur projet en décidant de l’attribution des postes, du choix des candidats même si un appel public à candidature est fait au préalable.
Fin des conventions et des contrats-programmes (art. 43) :
Le paragraphe 2 stipule que les demandes de tous les contrats-programmes des arts de la scène doivent être rentrées en date du 16 janvier 2017 pour application dès le 1er janvier 2018. Cela signifie-t-il que l’on tiendra compte du passé de chaque opérateur ou les compteurs seront-ils remis à zéro pour l’ensemble du secteur ?
Le paragraphe 4 mérite certaines précisions car les contrats-programmes ont, entres autres, permis l’engagement de personnes en contrat à durée indéterminée. Dans le cadre d’un renouvellement partiel ou d’une absence de renouvellement, les durées de préavis du personnel concerné doivent être prises en considération.
Instance d’avis (art.43) :
Il est indiqué que, en l’attente d’une instance d’avis transversale aux arts de la scène et spécifique aux projets jeune public, ce sera le Conseil du Théâtre pour l’Enfance et la Jeunesse qui officiera. Nous tenons à attirer l’attention sur le fait qu’une instance spécialisée en théâtre jeune public doit être maintenue et composée de membres ayant une connaissance de terrain dans ce domaine.
Enfin, l’APW insiste sur la consultation nécessaire, dans ce dossier comme dans d’autres, des pouvoirs locaux dans la mesure où ils sont acteurs de la vie culturelle.